Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Histoire de plume, plume de lune
Histoire de plume, plume de lune
Derniers commentaires
Archives
29 février 2012

QU'Y A T-IL DANS L'ART? Petite approche de l'art tout en rapprochements - première partie

 

Qu'y a t-il dans l'Art?

(petite approche de l'art tout en rapprochements)

 

 

1

 

.

 Il y a l'enlacement pudique au creux d'un lys lyrique et attendri... du préromantique William Blake, rempli de visions et de prophéties qu'il a écrite et illustré et dont Jérusalem d'où est tiré cette planche fait partie (1804-1820):


img828

Planche 28 de Jérusalem, William Blake: pour voir en plus grand, cliquez sur le lien: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2200198d

Ce n'est pas la première fois que le poète-peintre représentait des personnages au creux d'une fleur: Dans Les Chants de l'Innocence (1789), son premier recueil, il y a un poème intitulé Joie d'enfant ornementé d'une aquarelle qui figure une mère s'occupant de ses deux enfants au creux d'une fleur dont les pétales et les feuilles créent des arabesques sur la page. C'est bien le même motif de l'innocence qui est symbolisé ici par ce couple nu au sein du lys, symbole de pureté. La corolle au six pétales s'étale d'égale partie entre le ciel et la mer. Le couple enlacé se trouve placé à peu près sur la ligne d'horizon. La composition est très équilibrée et harmonieuse. Le lys semble personnifié par ses deux feuilles qui ont l'air d'être deux mains tenant le texte. Mais on est surpris de voir que l'image le représente peu. Au premier abord. Cette illustration donne une image poétique et mystique de l'innocence et du Paradis perdu tandis que le texte accentue les désastres de la Chute et du Péché:

Tout l'ornement de perfection et tout le travail de l'amour

Dans tout le Jardin d'Eden et dans toutes les montagnes dorées

 

était devenu une horreur enviée et un souvenir de jalousie

On serait sans doute plus convaincu s'il illustrait ces paroles de Blake:

 

Voir un monde dans un grain de sable

 Et un ciel dans une fleur sauvage,

 Tenir l’infini dans la paume de la main

 Et l’éternité dans une heure. »

 

  Pourtant l'image n'est pas pour autant sereine que celles ornant Les chants d'Innocence . Le ciel est embrasé du soleil couchant et semble annoncer un orage, cela appuyé par le titre au sein d'un nuage électrique. La mer est étale mais la tempête semble proche. La corolle peut aussi bien être regardée comme étant attendrie par l'amour mais aussi comme étant alanguie et même tourmentée. C'est qu'on baigne déjà dans les eaux du romantisme tel que Madame de Staël le définissait entre 1810 et 1813 alors que le mouvement naissait en Allemagne et qui le rattachait à la tradition chevaleresque et des chants troubadours:

 "C'est l'apothéose du sentiment: il faut, pour concevoir la vraie grandeur de la poésie lyrique, errer par les rêverie dans les régions éthérées, oublier le bruit de la terre en écoutant l'harmonie céleste, et considérer l'univers entier comme un symbole des émotions de l'âme".

 Aussi le poète et le peintre peuvent se faire visionnaire et se détacher de tout réprésentation exacte de la nature pour ne s'attacher qu'à sa vision intérieure, et en la faisant ressentir par ses propres sentiments qui la traverse, - ce qui le sépare de l'imagination délirante et surréaliste d'un Jérôme Bosch restant en retrait de ses visions. William Blake est un grand moderne en cela. Mais aussi dans le domaine de l'illustration. Il se sépare nettement des enluminures du Moyen-Age auquel pourtant il est affilié. Il est aussi novateur en ce qu'il est le premier artiste à la fois peintre et poète qui soit mystique et qui tout en inventant une cosmogonie personnelle tente un synchrétisme religieux en conjugant celtisme et christianisme dont il est fortement imprégné et qui semblent se disputer en lui.

 

...et il y a l'étreinte naturelle, pleine de joie, sauvage au creux d'une fleur exotique en extase ou en prière, d'un Gauguin post-impressionniste, tourné vers le sacré, autant dans le "païen" que dans le christianisme de sa culture, le sauvage répondant à sa nature farouchement indépendante.

Côté érotique, il Paul Gauguin a fait plus coquin, mais tout a été brûlé par ses censeurs, sauf cette image poétique du plaisir amoureux ornant son carnet tahitien Noa Noa (1893-1894). On remarque d'emblée qu'on est loin de Blake. Trois grands mouvements picturaux ont balayé l'Europe, et surtout la France: Le romantisme dont Delacroix fut l'un des plus grands représentants, l'impressionnisme et sa figure de proue Claude Monet et le symbolisme qui trouva en Gustave Moreau et Odilon Redon ses plus grands illustrateurs. Paul Gauguin est qualifié de Post-impressionniste, comme son ami et rival Van Gogh, puisque issus de ce mouvement, ils s'en sont démarqués très vite pour aller innover et annoncer autant les symbolistes de Pont-Aven que les Nabis, puis les fauvistes et les expressionnistes. Gauguin dans ses écrits annonce même les idées de l'art abstrait.

 On remarque qu'il n'y a plus de ratachement à l'enluminure: c'est un carnet de voyage avec comme il se doit notes et illustrations surtout quand il s'agit de celui d'un peintre... Et ce qui le sépare encore de Blake, s'est qu'après s'être bien imprégné de ses racines, il s'est coupé de sa culture (et même de sa famille) pour s'immerger dans une culture "exotique" et se consacrer entièrement à son oeuvre. Là, le christianisme existait, par acculturation, à côté des traditions cultuelles les plus fortes.

 Faire l'amour y est naturel et fait avec joie. Ils font partie de la Nature. Nulle culpabilité, nulle morale judéo-chrétienne. La femme nous regarde. Gauguin envoie une interrogation à l'occident comme il a l'habitude de le faire.

Aussi, la fleur est schématisée, géométrisée, sans relief, pour en donner plus au couple, d'autant plus que l'homme et la femme ont une couleur de peau très différente. Et pourtant cette fleur n'a pas une forme banale. Ses feuilles se lèvent comme des bras avec des mains à quatre doigts, comme en prière ou en salut. L'homme et la femme comme tout leur peuple appartient à la terre. Bizarrement, le pétales ressemblent à des feuilles d'artichauts. Est-ce pour illustrer le dicton français "Un coeur d'artichaud, une feuille pour tout le monde?" L'homme bronzé, n'est-ce pas Gauguin lui-même en position du missionnaire sur une femme dont la peau répond au tableau intitulé Pour tout l'or de leur corps? Il se peut bien aussi que ce soient deux indigènes, mais que les peaux soient différenciées par choix, pour mieux mettre en valeur chaque partenaire. On aurait là sinon, une sorte d'ode au métissage.

 Une chose frappante aussi, est que l'image est nettement divisée en deux, ou il y a deux images superposées, difficile de savoir. Il ne faut pas oublier que c'est un carnet de croquis. L'artiste en dispose comme il veut. Ce qui frappe, c'est la position foetale de cette jeune fille endormie qui fait figure d'underground si on la relie à l'autre. Est-ce le germe de l'amour en terre? Une personnification de la Terre-mère? On a là une image qui relie la terre et le ciel.

 Cela peut faire penser au recueil de Blake intitulé Le Mariage du Ciel et de l'Enfer (1790-1793) où on lit: "1° L'homme n'a pas un corps distinct de son âme, car ce qu'on appelle corps est une partie de l'âme perçue par les cinq sens, principales entrées de l'âme dans cette période de vie. 2° L'énergie est la seule vie ; elle procède du corps, et la Raison est la borne de l'encerclement de l'énergie. 3° Énergie est Éternel délice."

 Qui parle d'énergie, en l'homme, parle de sexualité...

 

2



Il y a l'enfant pris dans son rapport d'amour à travers le regard de sa mère et comme quadruplement protégé: par l'affection communiquée par les mains, par les bandeaux entourant son corps fragile, par la lumière enveloppante d'une bougie, par le geste plein de prévenance de la servante,

Et il y a l'image de la vie dans sa nudité, qui est exposé au regard extérieur, qui est directement présenté à nous, contemplateurs d'art.

Quel regard porter sur cet entortillement d'un bébé humain nu comme un ver, dans ces mains dont les rides répondent étrangement aux plis précoces du nouveau-né? Il y a de la chair rose, un linge blanc, un fond noir et bleu marine. Il y a entre les deux bébés, l'un du XVIIème, l'autre du XXème, une similitude dans la plasticité de leur peau.

 

 

 

 3

 

 

 Il y a la caricature empreinte de grandeur et de douceur d'Akhénaton, loin des idéalisations du souverrain d'Egypte sous Ramsès II, réalisée selon son propre désir, mais qui a perdu ses couleurs, ajoutant une certaine sobriété.

 

 

Et il y a le portrait caricatural d'une lady, empreint de ridicule - tant l'avancée de la lèvre inférieure semble vouloir dépasser le long nez - mais aussi d'émotion perceptible dans l'expression des yeux aussi bleus que le fond et qui paraissent fascinés, absorbés, émus par la beauté, avec ce naturel qui nous la rend vivante, entre la stupidité et la stupeur, le visage pâle contrastant avec la couleur criardre de son rouge à lèvre et son allure excentrique, et qui nous suggèrerait qu'elle est sur le point de défaillir sous l'émotion. On peut la voir aussi autrement; l'oeuvre s'ouvre à d'autres regards qui peuvent se modifier sous d'autres lumières, celle du savoir par exemple, de la connaissance du peintre et de son modèle en particulier.

by+Simon+Bussy+-+c1920+-+Tate

Ainsi, la lecture d'une monographie de Simon Bussy nous fera conclure: ces caricatures de deux personnalités séparées par plus de trois millénaires et qui représentées de profil se font face, se rejoignent par l'amour de l'art, la générosité et la volonté.

 

 

4

 

  Il y a le Baiser antique d'argile, à jamais en suspens, de ce couple d'une culture amérindienne,aux formes frustes mais pleines de rondeur et de douceur

 

 

Et il y a le baiser moderne de plâtre avant d'être de marbre ou de bronze, le baiser sur le point de se faire avant de l'être, de Rodin.

 

 

Représenté de manière archaïque ou raffinée, un baiser est un baiser; et les deux en suspens peuvent par des manières opposées nous émouvoir et (ou) nous charmer dans leur enlacement tendre.

 Pour notre plaisir, voici la version finale en marbre, celui du baiser en cours, infini, éternel, ayant une réplique en bronze visible au jardin des Tuileries. On voit en arrière-plan le baiser en suspens...

Photo personnelle comme la précédente, prise au Musée Rodin (Paris)

 

Publicité
Commentaires
A
Tout ceci est très mystérieux et attrayant à la fois . L'art dans toute sa splendeur . BRAVO ! : http://bit.ly/1E6VTF3
Répondre
J
J'attends la suite...
Répondre
Histoire de plume, plume de lune
  • Stéphane Gentilhomme, 39 ans : UN POÈTE français du XX-XXIème , UN ÉCRIVAIN aux multiples quêtes (de forme et de fond) et plein d'humour. UN ARTISTE panaché qui explore l'âme et différents étages de l'être. Public Ad 90% , E, 10%)
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Publicité