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Histoire de plume, plume de lune
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16 janvier 2015

L'étonnement poétique (poétique de l'étonnement)

 

CONTENU:

1 - L'étonnement poétique (poétique de l'étonnement), précédé d'une introduction, suivi d'une conclusion et comportant une petite anthologie de l'étonnement dans la poésie.

2 - Sur le vif (notes d'un journal) d'un esprit proche et annonçant L'étonnement poétique.

3 - Voyage ligérien à pied: contenant des notes instantanées dans la lignée de Sur le Vif, mais dans un style souvent plus télégraphique, plus sec, étant plus dans le mouvement.

4 - Des dessins, tous de l'auteur, pour la plupart du temps réalisés dans la même période que les textes, et illustrant de façon approprié certains endroits.

5 - Un ensemble d'annotations de l'auteur.

 

L'étonnement poétique

(poétique de l'étonnement)

 

 

 

Aragnes

 

 

INTRODUCTION

 

Voici un recueil de poèmes à picorer. Souvent très courts, parfois historiettes, de facture très différentes (et de qualité variable - cela dépendant aussi des goûts de chacun), souvent humoristiques, ironiques, parfois même quelque peu triviaux, mais toutes cherchant à saisir l'instantané et l'étonnement, et aussi, dirai-je, un effet, que ce soit à travers la saisie de l'observation ou dans l'écriture. Composé en été 2005, L'étonnement poétique (poétique de l'étonnement) peut aller dans l'émerveillement, mais c'est bien "étonnement" le terme approprié. 

 Travaillé par une nouvelle poétique, d'où l'intitulé, j'avais écris ceci qui illustre ma recherche dans mon patchwork Nature (intégrant une partie de ces poèmes):

« J'écris en poète, avec un oeil simple, lumineux.* Un regard qui se promène sur la surface des choses et des êtres et essaye de retranscrire ses impressions sur le vif de l'instant. Il ne cherche pas la profondeur. Il effleure avec un regard d'enfant, d'étonnement. De cet étonnement, il en fait sa poétique. De cette poétique, il ressort un silence. Ce silence au bout des mots – au bout des questions que posent le poète curieux, quelque peu philosophique, quelque peu naïf, ou qui fait comme si il l'était. Seul sa structure et son vécu le séparent de l'enfant. Mais aussi ses jugements et ses doutes. »

* biffé à la suite: "mais un regard aussi profond"

 Mais cette poétique était depuis longtemps à l'oeuvre. C'est dans un petit journal poétique intitulé Sur le vif datant de 2004 qu'on le remarque vraiment pour la première fois, bien qu'on pourrait trouver des prémices dès mes débuts littéraires, et que j'écrivais, par exemple en 1995: "Je suis heureux comme une bête". Ainsi peut-on lire dans Sur le Vif que je mettrais à la suite avec un journal pédestre dans la même mouvance:

 "Parfois, je m'imagine voyager à quatre pattes et noter tout ce que je vois, tout ce que je ressens. Bonheur de bête au raz des pâquerettes ponctué de Oh et de Ah... de centimètres carrés en centimètres carrés le nez par terre, de kilomètres cubes en kilomètres cubes le nez en l'air, de ligne d'horizon à ligne d'horizon, le nez au vent."

La grande découverte en relisant Sur le Vif, c'est de lire en marge de notes de ma relecture de Voyages au centre de la terre de Jules Verne: "Thérapeutique de l'étonnement au Chap XXX." C'est donc le génial Jules Verne mon grand initiateur! Faisant parler son héros tenant un journal de bord, il écrivait: "L'imprévu de ce spectacle avait rappelé sur mon visage les couleurs de la santé; j'étais entrain de me traiter par l'étonnement et d'opérer ma guérison au moyen de cette thérapeutique." Moi aussi, malade d'amour en ce temps-là, je me traitais par elle.

 C'est vrai qu'alors, mon objectif était autre que l'étonnement, comme le montre cette autre note plus loin:

"C'est la fraîcheur du moment que je veux inscrire.

"Je crois à une qualité du regard perceptible dans les plus maigres mots. Je crois en l'immanence des mots, porteurs de ce regard singulier sur le monde. Je ne suis pas sûr d'avoir exprimé au mieux ce que je veux dire. Mais Bah! j'me comprends."

C'est en étant à l'affût qu'on affûte l'oeil, en observant, en accordant son attention aux petites choses du réel et dans une énergie poétique que le regard prend forme, par petites touches, souvent. Il faut dire qu'observateur, je le fus longtemps avant de devenir poète, dès enfant j'observais les oiseaux.

 C'est le grand peintre Paul Cézanne, précurseur du cubisme, qui déclara à propos de cet autre grand peintre Claude Monet, précurseur de l'art abstrait par ses Nymphéas:

 "Monet n'est qu'un oeil... Mais, bon Dieu, quel oeil!"

 Je ne prétends pas à avoir le même.

 Il s'agit de travailler la qualité du regard, combien même il débouche sur de la fantaisie, du surréaliste, de l'humour. Et cela se fait en regardant, mais aussi avec une âme d'enfant, prête à s'étonner ou s'émerveiller d'un rien.

 Cette disposition, je la décrivais déjà très bien dans mon poème Naissance de mon recueil Souffle, en 1995, dont je cite le premier quintain:

 En baillant comme une taupe on sent du nouveau.

 C'est ainsi que je me suis aperçu du jour

 La gueule béante et les yeux d'un nourrisson

Prêt à tout avaler tant la faim du nouveau

Creusait de volupté l'estomac du regard.

 

 Il faut un appétit pour cela, donc.

 On trouvera aussi dans ce recueil en plusieurs périodes, des observations plus intellectuelles, des pensées amusantes, avec toujours cet amour des jeux de mots dont je ne me dépars pas, une gymnastique de l'esprit pratiqué dans un esprit "zen" et comme hygiène de vie; aussi trouvera t-on beaucoup d'humour, parfois trivial; on verra de l'auto-dérision, allant jusqu'à la pure parodie de mon système poétique qui a été inspiré, porté par le courant de maintes lectures: en premier lieu  Journal du Réel écrit sur un bâton  de Michel Jourdan. Finalement, j'aurais cherché chez les grands poètes des exemples répondant à cette poétique de l'étonnement: Hugo, Rimbaud, etc. et construit une ébauche d'anthologie.

 Tout cela sera plus développé dans la postface, précédée par mon anthologie (non exhaustive).

La « meilleure » introduction, dans l'immédiat, reste peut-être ce que j'écrivis en dos de courverture de mon cahier dans l'obscurité en plein milieu de la nuit:

 

Faisons un jeu de mots

ça fait longtemps

pour que la poésie étonne

il faut qu'elle détonne

 

 

1

(Dard)

L'oeil brûlé par les livres

darde le bourdon butiner

d'épi fleur violet en épi-fleur violet

Les pattes chargées de pollen -oranges pelotes -,

darde l'abdomen blanc sous le thorax noir d'orange rayé

cachant un noir dard

 

L'oeil pique d'avoir trop butiné*

 

Ce poème, je me souviens très bien l'avoir écrit sur la pelouse du jardin de mes parents, dans la période estivale où je lisais Don Quichotte de la Manche de Cervantès.

 

2

(Notations simples* dans un parc)

 Ce poème écrit à l'étang Saint-Nicolas contient une petite trivialité du quotidien.

 

Etang nappé de nénuphars

Au loin l’héron gaillard bide** à ras l’eau

Un sifflement d’homme

Une femme en short et son chien sans short

« Viens-là… viens-là…

Viens-là ! » insiste-elle

Le beau berger va sous l’ordre et la caresse

Ki-Hi-Hi lance une poule d’eau qui avance à coups de tête dans le vent – un vrai piston !

Deux passereaux font leur chant de soleil

Un aragne*** trace son rond à chaque poussée éclair

Une sportive fait des ronds avec ses bras

Là     pensée de cet afflux soudain de mouches

À la ponte soudaine d’un caca mien sur l’humus du bois Saint Nicolas

Les cloches au loin s’en balancent

 

                                                                      le 8 juin 2005

 

*Le titre que je donne ici fait référence à la méthode poétique d'Arthur Rimbaud en 1872. Son ami Ernest Delahaye dira qu'il faisait de la "notation simple".

** L'aragne est un terme désignant l'araignée d'eau que j'ai trouvé chez Victor Hugo dans L'Art d'être grand-père dont je me délectais alors et dont j'appréciais la facture impressionniste de certains poèmes.

***« Bide » a remplacé « Ventre » - principale correction sur le manuscrit original au crayon papier.

 

3

(Si)

 

 

Si les fourmis avaient des grolles aux pattes

Elles ne feraient pas long feu

 

Si toutes à toutes les brindilles poussaient des pattes

Le phasme prendrait les siennes à son cou

 

 Si les grenouilles à la place de palmes

Avaient des bottes de sept lieues

On les verrait passer par dessus nos têtes

Et d’un bond elles se retrouveraient dans l’étang derrière la colline

 

 Si les escargots étaient grosses comme une maison

Et les maisons pas plus grosses qu’un escargot

Comme les minuscules humains

Alors

Redouteraient de passer sous une ventouse

 

C'est sous ce titre et sous cette forme recueillant diverses notations indépendantes et la plupart commençant par "Si" que j'intégrai ce poème dans mon patchwork Nature.

 

4

 

(LE SAVEZ-VOUS ?)

 

 

D’entre l’herbe sèche

Sautent des pop-corn

non

des sauterelles

 

 ***

 

 Deux yeux télescopiques

Braqués sur le ciel étoilé

Cherchent – pied collé au sol –

A communiquer avec des extra-mollusques

 

 ***

 

 La mante religieuse est bien la seule bestiole

Qui a l’air de prier pour sa future proie

Même entre ses faucilles

Ses mandibules frénétiques semblent un moulin à prières

 

 ***

 

 Aveugles

Taupes et vers de terre

Creusent dans les ténèbres

Pour mettre leur lumière au grand jour –

Sous forme de monticules et de tortillons

 

 ***

 

 Les mulots ont peur

Que le ciel leur tombe sur la tête

Que la terre se dérobe sous leurs serres

Craignent les chouettes

 

 

Chouette_et_mulot

Chouette effraie ou dame blanche en chasse d'un campagnol, pastel 2003-2004

 

 ***

L’araignée noire a

Huit pattes quatre yeux

Douze mille poils et…

Elle serait bien étonnée

si elle savait qu’elle allait être supprimée

par notre simple et terrible peur

 

 [nuit du] 10 et 11 juin 2005

 

 

*"Les "le savez-vous" font référence à des encadrés dans des livres animaliers de mon enfance. Pareillement, ici sont recueillis sous ce titre un certains nombre de poèmes courts et intégré dans Nature. Bien que les manuscrits présentent parfois de grandes différences, je ne vais pas alourdir la lecture. Il est à remarquer toutefois que la déformation de « téléscopique » supprimée ensuite trouve son origine dans le très ancien poème de 1995 intitulé « En colimaçon » (Souffle). Le poème sur le chat (qui se fera le lointain ancêtre de ma chanson Chat pas cha pacha, jusque dans la reprise d'une expression) était à l'origine beaucoup plus long, et je le cite à titre indicatif:

 

« Tu n'a pas de regard – félin étrangement familier vaguement hagard sévère faussement

Tu vois

et c'est tout

un monde opaque

que renferment tes noires lunes à la lumières variables oui

Tu as beau manger dormir te laver copuler jouer

Ton essence m'échappe

comme toi celle de l'homme

conscience qui s'interroge

et écrit – poète – cette projection sur toi – poème

Bah dis!

Au fond on se comprend pas

Mais quelle paix symbiotique on vit!

Alors que les hommes... hein?... [hum...]

[Hum...] »

 

 Nulle pensée

Dans l’œil du chat qui te mate

Obstination du silence

Jusqu’au bout des moustaches

En l’air la queue serpente

Point d’interrogation

 

                                             dimanche 12 juin 2005

 

 

 

5

(HAIKUS*)

 

 

Univers

Coccinelle parsemée de trous noirs

 

*

 

La nuit les serpents rêvent

De ramper sur la lune

[nuit du] 10-12 juin 2005

 

 *Aussi intégré dans Nature sous ce titre. Il peut être surprenant de voir cet ensemble de petits poèmes sous le titre de haïkus alors que déjà beaucoup de poèmes précédants ont une forme qui y font penser.

 On peut noter la différence avec le brouillon:

 [Si les serpents avaient des ailes

Ils n'auraient qu'une envie

[de ramper] [aller ramper]

[Ils réaliseraient leur plus grand rêve]

La nuit les serpents rêves

de ramper sur la lune

 

 

 6

 

La chape de pluie

Cache

Ciel bleu

Dessous la mer s’étale

Sans une mouette

Pour annoncer la terre

 

***

 

 Des couples d’aiguilles de pin

 Pendent

À cheval sur les branches

 

***

Cette bonne odeur de pin – de résine

qui te vient par bouffées aux narines

(Lundi 13 juin, Sablières)*

 

* A ce poème se rattache celui-ci, encore de simples notations faisant davantage penser à un journal dans un style télégraphique:

  Aux Sablières

(où il y avait la mer)

Ramassage d'aiguilles

Repos contre un jeune arbre feuillu et moussu

Lecture de La pratique sauvage de Snyder

(Gary Snyder)

Baignade

épluchage et consommation d'une orange bio (logique)

rangement départ en vélo

Le vent à vélo sous le plein ciel bleu

Arrivée –  reposant repas dans la cuisine face à la fenêtre

grande ouverte au chant des oiseaux

Enfin – encensement du salon

les aiguilles sentent bon

                                                     lundi 13 juin

 

 ***

Corps de corbeau

 Crucifié sur le bitume

 Face à l’azur

 

 Âme envolée

 Moi en vélo

  (le 18 juin)

 

***

 

 Elliptiques hirondelles

 Folles volent – ciseaux-feuilles-galets –

 Animation de l’azur

 

                                                    (le 18 juin)

 

 Cendré

 Un grand bipède horizontalement déployé

 Traverse perpendiculairement les couloirs sombres

 De la peupleraie verticalement déployée

 Obliquement traversée de rayons

 

                                                                            (13 juin)

 

  ***

 

Ce canard blanc

 ne voit pas son canard d’ombre

 l’embrasser –

 bec dans l’eau

 


***

 

 Chapelle du Chêne

 Au croisement des doutes

 

(jeudi 16 juin)

 

 

*** 

 

Homme et sa longue vue

 pêche

 Héron et son long bec

 dans l’eau

 

(vers le 17 juin)

 

 ***

 

 

À bicycle

 Le monocycle lunaire

 Traverse les frondaisons

 

(16 juin)

 

   ***

 Milan noir vu à vélo

 Dérapage dans le ciel 

 

 

  ***

 

Fête sous la chaussure

 Caca et bitume

                          (16 juin)

 

***

Cet hérisson

a tant cru avoir trouvé le paradis

dans cette route illuminée

qu'il n' a même pas crevé le pneu qui l'a écrasé*

 

(10 et 11 juin)

 

* A ce poème ironique est rattaché le suivant.

 

 

7

 

 

(REINCARNATIONS)

 

 I

 

Cette hérissonne

Fut sauvée par un flash

Peut-être

Elle s’est souvenue d’avoir

Ecrasé un hérisson

Lorsqu’elle était humaine

 

 II

 

 Est-ce du peu de temps à vivre

Que le papillon se bourre de nectar ?

Et le voilà léger qui vole avec zéro cervelle

Et un sacré coup dans l’aile

Et après quand il est bien mort

Et que son âme vole au ciel

Au paradis des papillons

Peut-être raconte t-il à ses congénères qu’il a été mis k.o

Par une fenêtre aveuglante de lumière

Et tous peut-être de se foutre de sa gueule en disant :

C’est le destin du papillon

De mourir bourré

De mourir con

Choisis ta prochaine vie

- Chenille !

 

8

 

(20 TRANCHES « NATURE »*)

 Toutes ces scènes mises sous ce titre dans Nature sont souvent des observations pures et simples, souvent accompagnées d'une réflexion sous-jacente. D'autres sont des scènes faisant entrer l'imagination à côté du réel, de manière plus ou moins délirantes ou font état d'observations virant à l'expérimentation littéraire. Etc. On y trouvera des proses, parfois anciennes, avec des dialogues.

 

Scène vue après avoir remonté une roue sans chambre à air

 

Deux passereaux gris-brun sur le falun

L’un picore le croupion de l’autre

Qui sautille la queue frétillante

Là  soudaine séparation en courant

Dans le sens opposé l’un à l’autre

Puis disparition dans les coulisses feuillues

 

 

 

 Libellule

 

Vingt fois

Cette libellule aux quatre ailes noires

Est revenu sur la même pierre après avoir voleté

Vingt fois fait le soupirail l’abdomen en arrière

Près à plonger de la même pierre…

En me déplaçant : magnétisme libellule-pierre perturbé

Elle a volé et s’est posé sur une herbe

La libellule

(entre le 25 et le 28 juin)

 


 Que veut-il ?

 

Crépuscule

Fenêtre fermée

Reflet de la cuisine éclairée – moi dedans – sur fond sombre de paysage

Un papillon nocturne –blanc –

Se colle à la vitre

Veut-il entrer ou sortir ?

( Le 28 juin ou dans les deux jours suivants)

 

 

 

Bientôt votre fête !

 

Ragondin et ses deux petits

Broutent la berge verte

Présence d’homme

Le museau de la mère se lève et renifle

Avant de se retourner d’un coup de rein ou de la queue

Et plonger

Les ragondeaux* plongeant en même temps ou presque

 

Dire que bientôt on va faire votre fête

Avec** des pièges et des fusils

(entre le 25 et 28 juin)

 

* « Ces deux petits » sur le manuscrit

** « à coup de » ....

 

Ebullition ébullition

 

Lentilles pétillent

Les oignons – groupés au centre de la casserole –

Tournoient (plongeons et remontées)

Îlot en formation parmi les bulles

Il bave

 

Imagine l’étang en face bouillir

Avec ses grenouilles parmi les lentilles…

(13 juin 2005)

 

 

 

Déviation de pisse face à la rivière

 

Je pisse

Une péniche

Et deux femmes perchées passent

 

Je finis de pisser un peu moins en face de la rivière

(16 juin)

 

 

 

Taon

 

Accroupi

Un taon me cherche les noises

 

Tant qu’ il me pique pas les noisettes !

Jeudi 16 juin

 

 

 

Une histoire de couleurs

 

Lors d’une promenade en campagne, je rencontrai par un clair tantôt une vieille potiche (c’est le mot qui me vient). Penchée comme une girafe sur ses pattes grêles, elle arrachait de ses doigts étiques des pissenlits tout autour du fossé séparant de la vulgaire route sa royale maison.

Je la saluai et lui demandai : « Vous enlevez tous les pissenlits ? »

- Oui, toutes les fleurs jaunes. J’ai horreur du jaune.

- Ah bon ? dis-je en contemplant la tripotée de fleurs jaunes – pissenlits et boutons d’or – qui jonchaient son domaine.

- Oui. Et du rouge aussi ! ajouta t-elle comme pour achever le tableau.

Sur cette touche finale, je souris et la quittai seigneurialement sur ces mots :

« Il faudrait que vous trouviez un monde où le jaune et le rouge n’existent pas… »

- Ah bon ?

Je gloussai dans mes moustaches.

« Au revoir… bonne journée ! »

 


 Moi Nono (le petit poivrot)

 

Moi Nono

Solennellement déclare et soussigne

Avoir construit une arche et

Y avoir embarqué tous les maux du monde

Mâle et femelle selon son espèce

Et de les avoir envoyé là d’où ils étaient sorti

De la cuisse de Monsieur Yahvé

Y’avait oui – maintenant c’est fini

Moi ma petite femme et mes enfants

Et mes petits enfants

On se la boit douce

La Vie

 

Nono

(entre le 17 et le 18 juin)

 

Pignouf des cavernes

 

Sur la plus grosse* corde

de ma guitare

je tire des échos du Mexique

ancien

lancinants sons et arrières sons

donnent des frissons à Quetzalcoalt

les plumes émeraudes** du quetzal vibrent

jusqu’à*** mes cordes

vocales

et j’improvise un chant aztèque

xochiputli cacapouti

aya aya popopipu

J’ai perdu mon nahualt…

Pignouf des cavernes !

(18 ou 19 juin)

 

 

* « grave » dans manuscrit

** de l'oiseau

*** mon chant aztèque]

 

 

Arrête…

 

Arrêt du ménage

Arrêt sur image

Un pinson sur le balcon

A 60 cm en face

De la longue vue

 

Arrêt ménage. Un pinson sur le balcon, à 60 cm en face de la longue vue.

 

Arrêt sur image. Un pinson sur le balcon, à 60 cm en face de la longue vue.

 

Un pinson sur le balcon. Arrêt sur image. A 60 cm de la longue vue. Arrêt ménage.

 

Arrêt. Un pinson. Ménage. Sur le balcon. Sur image. Arrêt. A 60 cm de la longue vue.*

 

Arrête de déconner.

Entre le 18 et le 21 juin

 

 

 

Si après ça vous êtes pas scotché…

 

Avez-vous déjà joué avec du scotch ? – Un jeu dialectique !

On offre son doigt, n’importe lequel : il colle !

Collage, décollage. Collage, décollage. Répétez l’opération à loisir.

Vous testez son pouvoir d’attraction et y opposez votre pouvoir de répulsion… le terme est un peu fort : faut-il dire de repoussement, de repoussage, de repoussette ? Il y’a un simple jeu de force. Et bien sûr la répétition vous plaît, alors vous continuez. Adhérer, désadhérer. Vous êtes maître du scotch. Vous vous délectez de savoir que son pouvoir s’arrête devant votre volonté. Vous perpétuez l’opération jusqu’à ce que vous sentiez le scotch jouir sous votre doigt. Vous jouissez bien sûr avec lui , votre délicieux aimant transparent. Amour de scotch… amour de… scotce… amour… de… scotch… a… mour de sssss….

Scotch.

 

Texte de juillet 2004 remanié

 

 

 

  Le poireautage des pupuces

 

On dirait que ces chattes n’ont que ça à faire : attendre devant la porte

Elles ont du fion de vivre en campagne et …

Peut-être qu’elles ont faim ?

Justement ! elles pourraient chasser des souris

Mais non… préfèrent poireauter pendant 3 heures pour avoir la pâtée

- Tiens, les pupuces…*

 

Manuscrit original:

 Tiens, les pupuces, dit le père plus indulgent que le fils

En fait y'en a trois: deux chattes et une chatonne

 

 

 

Pittoresque ballade

 

La route des Landes menait bien à des landes

Merveilleux

Suis à vélo sentier de Gaza

Au fond clairière

Tu trouves un gros numéro : 295

Suivi de ce message :"Gaz de France – Région ouest - conduite gaz à proximité – 0.800. 02.29.81 (Appel gratuit)"

gaz à Gaza… T’en pète de joie !*

 

* Manuscrit original:

 Quand même

Cette campagne est bien belle

 

 

Pur végétarien ? Pure végétalienne ?

 

On ingurgite à l’année sans le voir plus d’un kilo de bestioles…

 

Manuscrit original:

 Il se dit un pur végétarien

Elle se dit une pure végétalienne

Sans savoir qu'ils ingurgitent à l'année

Plus d'un kilo de bestioles

 

 

Paroles d’enfant et parent venant du balcon d’à côté

 

- Crotte de bique, caca boudin, et p’i… Pipi !

- Oh ! sois polie !

- Tu t’appelles Caca boudin ! Caca boudin-Joli cœur !

… ?

 

  le 18 juin

 

 

Merci…

 

Regardé un moustique cherchant à planter sa trompe dans ma veine : vue difficile à soutenir.

On est presque content que ça démange au réveil :

« Merci au vol de nuit… », dit en nous le Petit Prince.

 

 

De bon matin, une belle rencontre

 

 

 Quel beau temps à croquer

ma demi pomme matinale

Je sors pour petite marche de digestion

avant tisane, pain au miel et lait de soja.

rencontre en bas d’un gros chien qui pisse dru au milieu du parking –

assisté de sa maîtresse.

Longues coulées dégoulinent la pente :

  • Gros pipi du matin ?

  • Oui, c’est un gros chien.

    Rires

  • C’est pas courant à voir. C’est quoi comme chien ?

  • Un berger de Brie.

  • Hein ?

  • Un berger de Brie

  • C’est où ça ?

  • Dans la région Centre. C’est des gros chiens de berger. Ca garde les moutons.

Elle me cite un autre nom de chien de berger.

  • Y’a aussi le chien de berger…

Je cherche un nom. Elle me donne des noms.

  • J’ai l’image en tête d’un dessin animé. Belle et Sébastien.

    Rires–

  • Ah ! Le berger des Pyrénées. Ah oui, c’est beau comme chien.

 

La dame gardienne de son ange-colosse de chien et le poète à l’affût d’un poème se quittent avec un mi-rire et un au-revoir

 J’entends une poule tandis que, debout au milieu d’un chemin, je raconte ça sur papier.

                                                                          (17 juin)

 

Hamburger

 

Y’a certainement un grain de poésie dans ce hamburger.

Mais où ?

 Y’a peut-être du hamburger dans ma poésie…

17 juin

 

 9

 Cette suite de courts poèmes n'ont pas figuré dans Nature. Il sont particulièrement délirants.

 

Un grillon grille un feu rouge

S'en vante à ses copains

Et toute la campagne résonne de cri-cri

C'est le soir

Les gendarmes sont endormis

 

***

 

Un hanneton bourru

à l'art du pet continu

De taille humaine – il pourrait jouer du didgeridoo

Avec son cul

 

(10 et 11 juin)

 

***

 

Fourmillement du silence

Entre les cils du temps

 

***

 

L'Amour est multiple

Aimer est Un

L'esprit dit Amour

(lequel?)

Seul le coeur aime

 

(poème augmenté et retrouvé)

 

***

 Coeur têtu

Esprit malléable

(poème retrouvé, impersonnalisé. L'état premier est: "J'ai le coeur têtu et l'esprit malléable)

***

 

 

Virage à 80 degrés

d'un merle moqueur

Voyant un homme entrer dans son royaume

(13 juin)

 ***

Bossa nova

dilate le coeur du jazz

Bossa nova

dilate le coeur de l'homme

Bossa nova

Corps et chopent chaloupent

Nova bossa

(13 juin)

 

*

Bientôt midi

regard sur des genêts

pense au déjeuner

 

*

 

Ce supermarché s'agrandit sans cesse

Mon inspiration rétrécit  en son contact

(jeudi 16 juin)

 

*

 

Ici j'ai posé mes lèvres

 et là

ma langue*

 

poème avec empreinte

de lèvres et de langue

(1995)

*Aussi bizarre, farfelu que cela puisse paraître, retrouvant dans mes papiers littéraires une feuille de 1995 sur laquelle était inscrit les trois premiers "vers", je trouvai que cela pouvait entrer dans ma nouvelle poétique. J'y ajoutai deux vers de chute ressemblant à un titre et qui montre l'ironie de mon "poème".

 

 *

Odile

 fut mon idole

 

Drôle de découverte

 dix ans après qu'elle le fut.*

 

* Lié au précédent: c'est qu'il y avait sur cette même feuille où étaient inscrits les trois premiers vers du poème précédent (datant de 1995)  la marque rouge des lèvres de mon idylle...

 

                      *

Mets ton amour à la poubelle

et tu auras une poubelle d'amour*

 

* L'inversion est un procédé bien connu qui peut être philosophique ou poétique.

 

                      *

Tu disais d'elle qu'elle est

Un Kilimandjaro d'intelligence

Un Mont Blanc de liberté

Un Fuji Yama de sensibilité

Un Everest d'Amour

 

Et toi

tu ne le serais pas?

 

* écrit à partir d'un poème qu'on devine. "Elle": une Anaïs...

 

         *

Oh! Un écureuil!

Oh! Une buse!

Oh! Un clown à la fac!

Oh un con...

Oh! un oh!*

(mardi 14 juin)

* L'auteur fait la dérision de l'étonnement de la plus belle façon. "Clown à la fac" fait référence au jour où mon délire et mon défi fut d'y circuler en salopette et avec nez de clown...

 

   *

 

 

Sanouva

se lit au-dessus  de la porte d'une maisonnette

donnant à voir de l'art brut

ça me va

 

             *

 

Concert dans la ruelle

Colombes* et hirondelles

* Avant "Colombes" a été biffé "tourterelles"

 

            *

 

Brie-au-lait ça me plait

c'est sans brio

mais y'a du lait*

* J'aurais pu écrire tout aussi bien: "Tout son brio est dans son lait"

 

*

 

Au-dessus de chênes

 demi-lune

 dans l'azur

 petits nuages floconneux

 Solo d'oiseau

 deux papillons

Un camion

 

 

*

 

Chapelle du Chêne

 Au croisement des routes*

 

                                                                                     jeudi 16 juin

 

* "routes" deviendra "doutes", comme on l'a vu plus haut.

 

               

        *

En effet

ma poésie cherche trop l'effet

et cause pas grand chose

 - Tu veux ma main dans la goule?*

 * Témoigne du doute qui saisit l'auteur et de l'humour trampolling dont il fait preuve.

 

    *

 

Ce toit conique

à hauteur de ma fenêtre

polarise mon oeil

Il ne décollera pas*

 

* Double sens créé par la chute.

 

*

Ma main  n'est pas assez grosse

pour arracher

ses cinq fils télégraphiques*

* Illusion d'optique.

 

         *

 

Cette maison avec ses deux lucarnes entrouverts

et ses murs tapissés de vigne vierge

à l'air de rire au soleil

 

La poésie tourne toujours

autour du même pot

le Mot

comme moteur

et la beauté – animatrice

 

cette moto de poème

te dépollue le cerveau

et met du coeur dans ta cervelle

ou de la cervelle dans ton coeur

 

La poésie tourne toujours

autour du coeur

 

 *

 

Nan, mais t'es ouf ou quoi – toi?*

*Paroles entendues par un jeune en mobylette

 

*

J'ai nagé dans mon corps

 

*

 

Cette petite entoure le ballon*

 le lance sur le sable

et le regarde rouler

 

Je prends des mots

les lance sur le papier

et les regarde se regarder

 

* j'ai supprimé "plus gros que sa tête", sans doute pour l'équilibre entre les deux parties.

 

*

 

Un insecte de 3 minimètres de long

explore mon papier quadrillé

il bute mon crayon

Il a disparu

* similaire à une ou deux notes de Sur le vif (2004).

 

 *

 

Ce mégot coincé par une herbe coincée

 sous ma chaussure

 ce lacet face à un épi

 et un bâton

 

 ces rencontres fortuites

  gratuites infinies

 

 Je pense à toi Lautréamont

 ayant rencontré fortuitement un parapluie

 et un crabe sur une planche à repasser*

 

Il faut se cogner à l'insignifiance du monde

pour sentir un signe – une bosse**

 

* élaboré chez moi après promenade à pied. L'ironie encore demande éclaircissement: Lautréamont, découvert par André Breton, et en cette image précurseur du surréalisme, parle de "la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie!". (Les Chants de Maldoror, 1869)  Mais dans son imagination débordante, il dit ailleurs qu'il a un crabe dans l'anus...

** étourdi par mes observations, à mon retour je me cognais...

 

   *

 

 Gag-gadget-gaga*

* qui montre que je jubilais devant un rien. Les mots suffisent.

 

*

 

Accordéon

respiration du coeur velours

Galliano sonne

comme son accordéon

Galliano sonne

l'accordéon répond

éventail de couleurs* 

 

18 juin 2005

 

*à la suite a été biffé: "répand pastels"

 

 

Planant haut

Silhouette du silence

Un vautour un condor un urubu –

Silence bu par la charogne

 

 Je roule une crotte de nez

                                                                                  (19 juin?)

 

* La chute est censée étonner...

 

*

 

Pour la première fois de ma vie

j'ai vu un renard

à peine plus gros qu'un écureuil

de la taille d'un chat

mais une démarche plus raide

Il était sur la route de campagne

Je l'ai suivi en gardant une distance

il a filé dans un champ

et à un croisement

je me suis arrêté

pour écrire mon contentement

puis en arrivant aux Landes

J'ai dérapé en voyant un milan noir il me semble

Il a fait un dérapage dans le ciel*

* Alors à vélo, comme on a pu le deviner, je freinais pour écrire mes observations.

 

  *

 

Pin sans aiguilles

que des pommes

 

 *

 

Le Soleil descend

descend

dans château d'eau

 

 *

 

De ma fenêtre 

j'entends les vaches

ça veut dire quelque chose

 

 *

 

Ciel couleur de gland

prépuscule

 

21 juin 2005

 

 *

 

Saveur fraîcheur

des poèmes croquants et juteux

de Lazare

* Lazare est un poète vivant de façon autonome dans une forêt mythique que j'ai rencontré vers 2004.  Une note suivait le texte ci-dessus et qui évoquait plusieurs de ses recueils écrits, illustrés et reliés de sa main, dont il m'offrit un exemplaire de chaque:

"Lu à voix basse hommes et femmes affamés  chez moi.  Lu à voix haute Noem pomad contre un arbre face à la rivière. Il faudra que je chante « Chanson pour la forêt » aux Landes." Je ferai figurer un grand nombre d'extraits de ces recueils dans mon anthologie de l'Etonnement poétique.

 

*

 

La poésie claque dans le vent

 

Mes lèvres la reçoivent dans un tremblement d'amour

 

La grâce frôle ma langue

 

Son souffle la délie

 

Elle se fait parole et chant

 

(mars 2005)

* En dessous de ces vers et la date, je trouve écrit: "extraits de Chanson pour la Forêt de Lazare". Mais je n'ai pas retrouvé ces vers dans son recueil. Il est probable alors que je les ai écrit après lecture de son recueil dont je voulais citer des extraits.

 

 

*

 

L'enfant met le chapeau sur le chapeau

timbale sur un plot rouge et blanc

La vie chapeaute l'enfant

Le vent dans ses bouclettes, les soleil sur sa peau

 

 

*

Même ramollis

le radis croque et pique

 

*

Le miracle indien selon D***

Vivre au quotidien sur le fil du rasoir

La mort chatouille et on rit de vivre encore

 

*

Il  y avait une fois une petite crotte

– petite fille indienne nouvellement née

Seule assise, tranquille

Tout étonnement

au milieu de la circulation rapide et bruyante de voitures et d'énormes camions

Un grand espace de pureté intérieure

la protégeait

Immanence de l'amour

elle était tout éveil, dans sa non-conscience

Elle était posée là par la grâce

Elle était la grâce

le miracle de la vie

 

 

Non

Bouddha

c'est pas du boudin*

 

* Cette histoire  qui tourne à la facétie (mais qu'annonce l'introduction),  m'a été racontée par D*** ayant voyagé en Inde.

 

À longueur de journée entendre

de sa fenêtre ouverte les oiseaux chanter

dessous un chien pigner sa maîtresse au boulot

 rappellent qu'à chaque instant

Il y a autant de peine que de joie dans le monde

 

Que faire

Sinon accepter

pour ne pas ajouter ma souffrance à celle ci-dessous

Et prier

pour le chien et sa maîtresse

et mettre de la musique

ou partir

pour ne plus subir?

 

Gueuler!*

 

* Tout est dans la chute!...

 

*

 

Je suis l'ami de la mort* qui me prendra sans effort

 

l'époux de la vie que je prends sans souci

 

 25 juin

 

* Mozart évoquant son Requiem parlait de la mort comme d'une amie.

 

Immobile

Un cygne sur la canetée de l'étangNon

un sac plastique

 

Mais vrai

sur un étang beaucoup plus grand

j'ai vu deux cygnes en ballade

Vaste leur espace de glisse

Les voir – un régal

 

*

Maisons

arbres

ciel

nuages

tisane au crépuscule, la fenêtre ouverte

roucoulements

beuglement

hullulement?

Circulation routière

 

Le 28 juin

 

*

 

fleur de lotus sur le balcon

Senti passé le train

entre mes doigts yogiques

 

*

 

Une libellule

sur le chaume déambulle

deux minuscules libellules

maintenant circulent

les « ulles » pullulent

et ce poème nul s'annule

hop!  bye bye libellule

 

 *

 

Cinq canards sur la canetée

ont des plumes qui s'hérissent sur le dos

* la canetée sont les lentilles d'eau.

 

*

 

Corbeau ou corneille gros morceau de pain ou de pomme dans le bec

 Le cache parmi l'herbe

Fait quelques pas et pioche de son bec le même trophée!

* vu de mon balcon

 

 *

Bruissement d'aile rapide devant ma fenêtre

 

 *

 

L'homme dit au Seigneur: je vais t'étonner

Le Seigneur rit:

ça m'étonnerait mais essaye toujours

*

 

Les sanglots longs

des violons

de l'auto

blessent

le pot

d'échappement

de mon coeur

 

(Après le 28 juin)

* se trouve aussi dans mon long poème expérimental intitulé Dans(e), écrit en 2004. Parodie de Chanson d'automne de Verlaine.

 

*

 

La mousse

Étonnée

Autant qu'un chevreuil

 

Je m'appuirai sur l'arbre

Et l'arbre sur les interstices

De la forêt

 

(Du domaine de Guillevic)

* prévu dans mon anthologie. Je me moque gentiment de l'auteur ci-dessous.

 

 

*

On n'est jamais forcé

de regarder l'étang

°

Aller jusqu'à l'étang

Essayer cette fois

De ne pas

L'interroger

 

 (Du domaine de Guillevic)

 

L'étang toujours l'étang

y'en marre de l'étang

 

 

Ne réussit pas qui veut

à trouver l'étang

 

 Mais je ne vois pas ton putain d'étang!

 

 Aller jusqu'à l'étang […]

 

 L'étang toujours l'étang

Y'en a marrre de l'étang!

 

 « on est jamais forcé

 de regarder l'étang »

 

 Alors là, il m'épate ce gars!

 

                                                                                                            Mercredi 15 juin

 

*

 

J'ai vainement cherché à écrire quelque chose sur l'étonnement qui soit étonnant

Mais ma phrase m'étonne

 

Bon, essayons:

Le comble de l'étonnement: induire l'étonnement

 

Essayons encore:

L'étonnement ne m'étonne pas

 

Encore:

L' étonnement m'étonne

 

Y'a t-il un synonyme d'étonnement

A t-il un contraire à part « non étonnement »?

Serais-je étonné de l'étymologie de « étonnement » ou « étonner »

 


Expressions courantes et leurs analyses:

 

« ça m'étonnerait (appuyé de « bien » parfois): soif d'étonnement.

« Rien ne m'étonne »: pauvre d'étonnement

« Rien m'étonne: fringale d'étonnement

« ça ne m'étonnerait pas: pour dire qu'on aimerait bien l'être (étonné)

 

Expressions rares:

 

« Tout m'étonne » : rare. Exagération de poète ou pensée philosophe qui égale à « « Rien » m'étonne »

 

 Ecueil de l'étonnement: tomber dans la stupeur

 Synonyme d'étonnement: émerveillement*

                                                                                                                            Mercredi 15 juin

 

* En regardant une émission philosophique bien des années plus tard, je comprendrais la différence entre "étonnement" et "émerveillement". Mais elle demeure souvent confondue. Ainsi, dans le chapitre 30 de Voyage au centre de la terre de Jules Verne, on lit au-dessus de la relation de la thérapeutique de l'étonnement: "Toutes ces merveilles, je les contemplais en silence"; plus loin, on voit s'écrier l'oncle d'Axel, le héros: "Etonnant, magnifique, splendide!", et à la fin: "Après une heure passée dans la contemplation de ce merveilleux spectacle", là où on aurait dû lire logiquement: "étonnant spectacle". Pour saisir d'un coup la différence entre les deux termes, disons que l'expression du visage n'est pas la même dans l'étonnement que dans l'émerveillement.

*

 

Bono a dit:

«Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ce livre, mais je l'ai fait »

Pourrais pas dire mieux à mon éditeur

 

à propos de Du Paradis perdu aux Paradis retrouvés:

je l'ai fait! Je l'ai fait, merde!

 

 

« Plus on s'engueule, plus on aime »  a dit Bono

Est-ce qu'aussi plus on aime et plus on s'engueule?

 

 

Superbe photo – au moins étonnante –

de l'engagé Bono avec* George Bush Junior

« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas

et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut »

disait Hermès Trimégiste

 

 «............ » dit la rock star

de la même façon qu'il ramène sa phrase de Bible préférée :

« …........ »

au message de la pop music:

« …........ »*

                                                                    Mardi 14 juin

 

 

*:  J'ai supprimé: " cet « enfoiré » de..."  

**: Je venais de lire Bono par Bono, lecture d'autant plus compréhensible que U2 est mon groupe de jeunesse.

 

*

 

 

Un phallus pénêtre un vagin

Un spermatozoïde pénètre un ovule

Un enfant pénètre un monde*

Soulignons le verbe pénétrer

et un autre poème pénètre notre conscience

 * biffé: Union de l'unité par addiction

** biffé: et on est pénétré d'un autre sens

 

*

 

 Chaque poème  tente de pénétrer

à sa façon

Le mystère de son

existence

Chaque poème à sa façon pénètre le Verbe

Chaque chose à sa façon

 

 

*

 

« Tout

Dit:  Pénétrer »

Résume Guillevic après coup...

 

 

*

 

La chienne halète en allaitant

Pas pratique l'oral des fois

 

(jeudi 16 juin)

 

*

 

Impressionné, en passant devant ce gros chantier de charpente, maçonnerie, tuyauterie et tout ce qu'on veut. Je me dis que c'est moche mais ingénieux. Et qu'en somme, comme je n'ai pas leurs talents, à tous ces travailleurs, ils n'ont pas le mien. C'est consolant. Je suis bien à ma place cette planète aux mondes par milliers.

 

 

Un poète philosophe s'interroge sur ces maçons,

Ces charpentiers, manutenteurs

S'interrogent-ils sur le poète, le philosophe et* sa langue de fourmilier?

*biffé: "son regard"

 

 

*

(poème triviale)

Il faut une vision étroite

Comme le détroit de son cul

Pour dire qu'il n'y a pas de poésie

Dans  un pet

 

*

Le poème fait la roue  et « Pa-on »

Parade nuptiale

***

Il y a un poème dans son absence

Il y a une présence

***

Souvent, je lis ce que je viens d'écrire

d'une évidence si éclatante

et je me dis: « J'ai déjà lu ça quelque part...

est-ce de moi? »

(15 juin)

 

*

Il y a eu en peinture une école de plein air*

Et en poésie?

Bientôt 10 ans que je la pratique

Plus de 100 ans après les impressionnistes

Impression d'être né en retard...

 

*

 

Non

Tant que le plein air et la poésie existeront

L'impression ne s'effacera pas

du tableau

ou du champ d'investigation

Tant qu'il y aura du coeur sur terre

et deux yeux merveilleux** pour s'étonner

 

 * rajouté après premier jet

* La poésie de "plein air", je la pratiquai pour la première fois avec mon recueil Oiseaux-Oiseaux (1996), où l'étonnement et l'émerveillement ne sont pas absents. Mais en l'occurence, ici j'étais rempli de ma lecture de L'Art d'être grand-père de Victor Hugo où j'avais trouvé quelques poèmes très impressionnistes que sont Fenêres ouvertes (XI) et Ce que dit le public (III) que je ne citerai pas malgré mon désir grand de le faire. Ils sont à mettre en arrière-plan avec le poème suivant mais aussi à mettre en résonnance avec toute ma poétique de par l'écriture très télégraphique du premier, et la prise de notes de paroles d'enfants du second.

 

*

 

Il n'est pas nécessaire de répéter que

je répète

Il n'est pas nécessaire de répéter que

je répète

Non

Il n'est pas nécessaire de répéter que

je répète

 

Note de 2011, dans La Vie: "sans doute puérile, mais juge t-on la musique répétitive à la Terry Riley de puérile? Il y a un sens dans le pléonasme suivant sur le mode répétitif (c'est un pléonasme)"

 

*

 

Coccinelle sur le trottoir

Pompiers sur la chaussée

 

*

 

Sur la rivière de goudron

une miche de terre suffit

Pour qu'un végétal y pousse

 

17 juin

 

*

 

Derrière moi

mon ombre me salue

 

 *

Ce petit matin bleu

Assis à manger une tartine

près de la fontaine

un homme nettoyait l'espace vert

Je l'ai salué

Il s'est arrêté, m'a dit trois mots

s'est assis

Marcus – Marco-che 52 ans

Pendant une heure, on a parlé

Parlé vraiment

 Ce petit matin bleu

Je l'attendais

Il m'attendait

On s'est donné ce qu'il y avait à donner

Puis on est parti

Comblés

  

                   En ville, le 18 juin

 

*

 

Je suis blasé, une bouteille pleine, une loche

incapable d'action

- Et tu écris encore?

 

*

 

Sous la réserve

Bip

"Oui cocotte j't'ai entendu"

Là tu vois, plus de coco!

 

*

 

Le plus étonnant des étonnements?

Celui qui étonne

Pas étonnant!

*

 

Pourquoi les feux ne seraient-ils pas

bleu-jaune-vert

On ne passerait qu'au rond fusionnel

Conscience surpendue

Au vol d'un papillon

 

 *

 

Suffisamment de matériel en moi

Pour ne pas me noyer dans le spirituel

Suffisamment de spirituel en toi

Pour ne pas te noyer dans le matériel

 

 L'être

Tissu de l'esprit

 

 

*

 

 Bu quelques Haïkus de Kerouac

à la B.U

 

 

Fantasme

 

de la feuille

 

au fond des limbes*

*haikus écrits à la fac en décembre 2004 après avoir lu des haïhus de Kerouac

 

*

 

« Trouve des Fleurs qui soient des chaises »

 qu'Arthur Rimbaud a dit

dans Ce que dit le poète à propos des fleurs.

Qu'il serait agréable en effet

de s'asseoir sur cette pâquerette ou ce pissenlit

 Pourvu qu'elles soient assez hautes et grosses* pour y poser les fesses sans l'écraser et m'y balancer au vent**

 

* biffé: "et résistantes"

** Le vers d'introduction devait naturellement prendre place dans l'anthologie poétique.

 

 

 

CONCLUSION

(tirée et adaptée de La Vie)

 

N'allais-je  pas créer une nouvelle école, l'«étonnemen-isme »? Je semblai avoir non pas épuisé tout l'étonnement qu'on trouve chez les poètes dont je voulais voulu faire une anthologie (Anthologie de l'étonnement en poésie), mais j'avais comme épuisé toutes les ressources de cette poétique; et... je  m'en étais – voyons les choses en face – lassé. J'étais libre de toute recette, tout « style » à vie que revendiquent si bien le monde artistique: il faut avoir son style, répéter inlassablement la même manière: quel ennui! J'avais exploité à fond quelque chose que j'avais en moi d'essentiel depuis toujours. C'était une bonne expérience, mais de-là à s'y enfermer, dans cette poétique, certainement pas. La poésie par définition est libre et, comme l'oiseau va d'arbres en arbres, de branches en branches, ou comme l'abeille butine de fleur en fleur sans qu'une exclusivité se pose sur l'une, le poète circule là où il veut, où le vent le porte. N'est-il pas vrai aussi que l'esprit va où il veut?

Il n'est pas si aisé de déterminer ce qui détermina ma poétique de l'étonnement. Elle avait été amorcée déjà dans certains poèmes de Logorrhée du bois d'A et de plus loin encore, tant l'étonnement et la poésie sont inséparables. Mais en fouillant dans mon agenda, on constate quelques événements qui ont dû influer sur celle-ci: la fréquentation d'une édition dont un  vernissage le 10 juin. Le 15 j'eus rendez-vous avec mon éditeur et le 17 assista à une lecture. L'auteur invité écrivait des poèmes pour enfant et avait une poétique... qu'il me faut retrouver dans un papier. Il y a eu aussi une lecture qui m'accompagna pendant une bonne partie de l'écriture de l'oeuvre: il s'agit du Journal du Réel écrit sur un bâton de Michel Jourdan, poèmes de la vie d'un ermite dont la poésie coïncidait avec mes vues. Je notai un haïku de tonnerre:

 

«Orage

le bruit d'un escargot tombant »

 

 Je dégote aussi dans mon cahier cette feuille volante de la même période où sont prises des notes d'un livre de Francis Roux intitulé Harmonique qui faisait écho avec ma poétique:

 

 

Face à toute crise: SUR-VIVRE: vivre un cran au-dessus de qui dans notre quotidien n'est pas à la hauteur.

« Toute vie est yoga » (Shri Aurobino): l'«ordinaire » de la vie est gisement de l'extraordinaire et le multiple est l'occasion de saisir l'instant dans ce qu'il a d'unique et d'unifiant

5 verbes pronominaux à mettre en oeuvre

(5 principes de vie, existence matérielle et objective. Nombre impair: actes, dynamique opérante. En Inde, nb de Shiva: principe divin de la transformation:

- Se centrer

- S 'alléger

- Se rendre utile

- Se reposer

- S'aimer

 

Le souffle tisse l'homme. Equivalence du souffle et de l'esprit

« L'air tisse l'univers. Le souffle tisse l'homme » (L'Atharva veda)

Sûtra = fil

Notre corps est tissé de 5 fils ou 5 souffle

 

 

Cependant, cette poétique, cet état d'être ne m'a jamais quitté. Comme dans maints poèmes qu'on a lu, l'écriture elle-même cherche à étonner. En ce sens peut-on élargir la vision de la poétique de l'étonnement que l'on trouve encore. Ainsi, plus tard, je créérai des images étonnantes:

 

Avions atterrissent sur la peau des grenouilles

Cacao des fourmis éternuent sur les fleurs

Le stylo titube sur le crachat des chatons-châteaux

Ardoises aux ailes multicolores communiquent avec les framboises érotiques

Les coquelicots susurrent des cocccinelles crachent des sauterelles

Le livre ouvert rugit parmi les lentilles la lune parmi les lentilles blanchit la soupe chevaline

Les bulldozer tricotent des pullover pour les asticots

Atchoum fait le foin sur les pensées

Les crottes font du tam-tam sur les toiles d’araignées

Des paquebots broutent la savane où gloussent des bananes

 

 

 

 

 

 

PETITE ANTHOLOGIE DE LA POESIE DE L'ETONNEMENT

(extraits)

 

 

 

« et l'ivrogne est le papillon

et les cabarets sont les roses

 

« Sur aucune fleur on ne lit:

société de tempérance »

 

« le babil des marmots est ma bibliothèque »

 

« Laissez-moi donner des gâteaux à ces crimes »

 

« voir la Jeanne de Jeanne »

 

« Mon esprit découvre et dévoile

Derrière Jupiter l'étoile

Derrière Jéhovah l'azur »

 

« Je forcerai bien Dieu d'éclore

à force de joie et d'amour »

 

« Et qui la tête la première

plonge, éperdu, dans la lumière

à travers leur dieu ténébreux! »

 

(L'art d'être grand-père de Victor Hugo)

 

 

 « Pourvu qu'on sente la rosée

Dans ton vers qui boit du café »

 

« L'insecte est au bout du brin d'herbe

Comme un matelot au grand mât »

 

« J'ai pour jeu la poésie (à un visiteur parisien) »

 

« Mon pas troubla l'église fée »

 

«Ô mare, tu n'es qu'une ornière

Tu rabaches ton saule »

 

« La religion naturelle

M'ouvre son livre où Job lisait,

où luit l'astre, où la sauterelle

saute de verset en verset »

 

«Envoie à ce fatal ciel noir

Une éclaboussure d'étoiles »


(Chansons des rues et des bois de Victor Hugo)

 

*

 

 « Il est plus facile à un chameau d'entrer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu » – Evangile de Matthieu (19:24), Evangile de Marc (10:25)

 

«  Si vous avez de la foi gros comme ce grain de moutarde, vous direz à cette montagne: « Transporte-toi d'ici à là-bas » et elle s'y transportera; et rien ne vous sera impossible » Matthieu 17:20*

 * Pourquoi barrai-je ensuite ce verset. Ne le trouvai-je finalement pas si étonnant que ça? Du reste, paraît-il que ce verset a été mal traduit comme tant d'autres.

« Mais quand les disciples virent cela, ils s'étonnèrent et dirent: « comment se fait-il que ce figuier se soit déssêché à l'instant même? » En réponse, Jésus dit: vraiment, je vous le dis: si seulement vous avez foi et ne doutez pas,non seulement vous ferez ce que j'ai fait au figuier, mais même si vous dites à cette montagne: « sois soulevée et jetée dans la mer », cela arrivera » (Matthieu 21:20-21)

 

«Ce disciple donc que Jésus aimait dit à Pierre:

« C'est le Seigneur! » Alors Simon Pierre en entendant que c'était le Seigneur, se ceignit de son vêtement extérieur, car il était nu, et se jeta à la mer » (Evangile de Jean 21:7)*

 

Jésus avait dit aussi « Laissez venir à moi les petits enfants », « La vérité sort de la bouche des enfants ». Ils sont aussi source d'étonnement, on l'a déjà vu dans quelques poèmes. Un recueil s'intitulant L'étonnement poétique ou poétique de l'étonnement où des poèmes d'enfant n'y figureraient pas, serait-il complet, alors qu'une mine s'y trouve? J'avais déjà collectionné deux poèmes de ma petite soeur que je recopiai encore dans mon cahier; mais j'eus encore la chance de découvrir un livre intitulé Comme je te le dis, une anthologie de poèmes écrits en classe par des enfants de primaire dans la pédagogie Freinet. Je ne peux hélas citer les 26 poèmes que je recopiai dans mon cahier, en raison toujours des droits d'auteur... Pareil pour les extraits de poèmes de Lazare que j'aurais voulu voir figurer dans mon anthologie. Pareil pour le poème de son amie Marie – poétesse jurassienne – intitulé « Puérilité ».

 

 

 SUR LE VIF

(2004)

 

 

 

 

Avec le chewing-gum est né une autre sorte de champignons sous nos pieds : le bitumier.

 

 *

 

Décolériser

*

 

Parfois, je m’imagine voyager à quatre pattes et noter tout ce que je vois, tout ce que je ressens. Bonheur de bête au ras les pâquerettes ponctué de Oh ! et de Ah… de centimètres carrés en centimètres carrés le nez par terre, de kilomètres cubes en km cubes le nez en l’air, de ligne d’horizon à ligne d’horizon le nez au vent.

 

 *

 

Un soir, en regardant un match de foot avec mon père, j’ai compris que s’il était pour une équipe, quelle qu’elle soit, ce n’était pas seulement ou pas tellement qu’il préférait profondément telle équipe plutôt que l’autre, mais parce qu’au fond, c’était plus excitant émotionnellement d’être pour une équipe plutôt qu’aucune.

 

*

 

J’aime bien désherber. Sous la main, la mauvaise herbe devient la bonne herbe.

 

 *

 

  • Qu’est-ce que tu lis, là…

  • « Le Lilas »

  • Ca se passe où ?

  • Dans le lilas

  • Dans quel lilas ?

  • Bon, je vais au lit, là.

  • Je peux venir avec toi au lit, là ?

  • Oh là là

  • Quoi ?

  • Lis, là !

  • Qu’est-ce qu’il y’a 

  • Le Lilas n’est plus là

  • Oh là là 

  • Quoi !

  • Il est peut être sous le lit, là

  • Bon ma Lili, je suis las, là

  • Ouah !

  • Quoi…

  • Tu sais que t’as un beau lilas

  • Merde…

 

 

_______

 

 La meilleure chose que tu puisses faire vis à vis du monde et surtout pour toi, c’est d’être pleinement toi-même, de t’accomplir en jouissant de ta propre existence, de ton œuvre, et de celle des autres, et ce dans le plus grand dessouci*. Mon œuvre artistique n’est pas nécessaire au monde. Elle est nécessaire qu’à mon accomplissement, ma réalisation dans une perpétuelle actualisation. Elle peut certes être utile, servir à d’autres, être jouissance en tant qu’objet pour son propre développement et accomplissement, être trouvée sur le propre chemin d’un individu et servir de tremplin à son existence, mais en aucun cas elle ne peut être une chose nécessaire en dehors du particulier, de l’individualité.

Aujourd’hui, je peux bien dire sans orgueil qu’il n’y a pas d’autre œuvre que je préfère à la mienne. C’est une chose tout à fait légitime, et je dirais même « normale » du moment que j’accepte le même amour-propre d’autrui vis à vis de sa propre œuvre. Je peux bien, même, trouver mon œuvre géniale. Ca ne regarde que moi. Je ne demande pas qu’elle soit reconnue pour telle par d’autres que moi. En me trouvant un « génie » ça m’évite de prendre la grosse tête, je me débarrasse de cette poisse qu’est le jugement des autres, ça m’évite aussi la fausse modestie – enfin j’espère. Et il n’est que plus facile d’accepter le génie des autres possible, même si je ne le vois pas, le trouve pas.

 

 

 

*

 

Fini la lecture émouvante de Une canne à pêche pour mon grand-père de Gao Xingyan. Assis contre un saule pleureur face à l’Authion. Soudain, en feuilletant les pages, je tombe (« et but ! »)sur une mouche noire aux yeux rouges écrasée en diagonale – pattes en l’air – devant le tiret dialogual suivant de la nouvelle Dans un parc : « A l’époque tu avais deux nattes ». je détache la mouche. Un moucheron se pose sur la page de gauche. Je la chasse d’un revers de main (« et but ! ») et disparaît vraiment, laissant une trace brune de son passage.

 

 *

Soir de mai

 

Une lune rousse au-dessus d’un lilas mauve.

 

 *

Soir

 

Sur la rive de l’Authion

la lune dans le ciel. Dix lunes dans l’eau. danse.

Sur l’autre rive, scintillements

 

 *

 

Lune environnée de nuages. Lune dans les nuages. Nuage se transforme en requin. La lune est son œil de mort. Plus loin, un autre nuage prend nettement la forme d’un ptérodactyle. Il vole à la rencontre du requin et de son énorme bec se saisit de l’œil. La lune s’échappe vers l’horizon des arbres d’ombres chinoises : dans un silence total.

 

 *

 

Il y’a deux sortes d’amour, c’est évident comme dans l’eau de roche en regardant « ça se discute »…

Il y’a l’amour « sexué » et l’amour « asexué », non pas que ce second ne soit pas sexuel, au contraire, et c’est bien ce que leur reprochent celles et ceux porteurs d’amour sexué, celles et ceux-là même qui voient l’amour avec un grand A ; non pas que les amoureux asexués ne le voient pas de même, mais il a bien du mal à percer. Sur la scène musicale ou dans le show-biz, tant qu’il n’ y aura pas un duo de chanteurs homos pour chanter le Je t’aime moi non plus de Gainsbourg sans qu’on y voit comme une anomalie, l’amour, comme une cloche, clocherA.

________

 

 Dimanche 2 juin 2004

Deux petits insectes ailés viennent se poser sur mon bras nu – tandis que je lis Li Po dans l’herbe sèche du bord de l’Authion – et s’ébattent collés l’un à l’autre. L’un s’envole. l’autre tournoie sur mes poils. Je lui viens en aide par un petit souffle en direction du coucher de soleil sur les marais.

Lis ma trouvaille au marché aux puces de Brain sur l’Authion « « Formules magiques » pour mieux réussir et être plus heureux » (recueillis et mis en forme par Christian H. Godefroy).

Devant moi et derrière moi – marais et rivière grouilles de grenouilles concertantes.

Un arbre aux branches nues s’orange. Une poignée d’oiseaux noirs s’y posent. Ils partent à la file. Je vais aller comme eux vers le nord ? Enfin moi aussi je dois prendre la même direction pour rentrer à la maison.

Je me retourne pour partir et je vois le soleil. Vu sa taille et sa couleur l’arbre orange s’explique. Magique.

Un papillon blanc – tout blanc – ailes et corps – aux ailes dentelées et fines comme coton – on dirait faites de petites plumes d’oiseau.

Je le contemple posé à la verticale sur un brin d’herbe. je compte 5 paires d’ailes imbriquées les unes dans les autres d’une longueur inégale comme les doigts de la main.

Coucou et grenouilles s’en donnent à cœur joie tandis que j’écris ma contemplation devant une fée invertébrée.

Oui ses petites ailes sont vraiment comme 5 ramiges*, non pennes. Dingue. même les pattes, même les antennes sont blanches. Je vais essayer de la prendre avec mes deux mains sans lui faire de mal. Déjà, il ne semble pas d’un grand farouche. Mais avant un dessin

 

 

[dessin]

 

Il m’a échappé !

Quand je pense que tous ces instants de bonheur ont été inaugurés par une bonne poignée-nature…

 

  Lundi

 

 Escale au bois de Pigne de ma marche de B à A. Bonheur.

Il y’a un couloir d’arbres avec tout l’or du soleil au fond, à hauteur de mes yeux. Maintenant le fond du bois est rempli d’étoiles dorées, grosses et serrées les unes contre les autres.

Je repense aux merveilleux vers de Li Po : « Le Ciel pour couverture, la Terre pour oreiller ».

Allé dans l’allée ombreuse. Vu aucun écureuil de mon enfance.

J’ai failli revoir mes voisins de mon enfance d’il y’a 20 ans. A cause de l’heure et de leur bonheur que j’entendais derrière la porte, j’ai pas osé sonner ou frapper. Mais tout, ça pas changé. Même un je ne sais quoi d’odeur de linge propre qui venait du jardin à mes narines.

Repos au bateau du Cénacle. Grenouilles, étoiles, chatouillis de moustiques.

Je suis fatigué. J’en ai plein les pattes. Mais je marche encore incroyablement vite.

 

 

Mercredi 15 juin

 

 Aussi vrai que plus tu tousses, plus tu tousses : plus tu sais, moins tu sais.

 

________

 

 Jécris parce que j’aime ça, je marche parce que j’aime ça, je rêve parce que j’aime ça. J’aime parce que j’aime ça.

 

*

 

Fantastique Voyage au centre de la terre lu en partie en marchant sur un tronçon de terre.

*

 

Je m’approche d’une mare à canards au bord de la route : un canard brun s’envole à mon approche. 3 blancs se faufilent dans l’herbe. J’atteins la rive où ils se cachent. Je les vois. 3 canards à calotte noire sur tête. Ils fuient d’abord puis se rapprochent de moi timidement avant de s'éloigner côte à côte. Surprise! Le canard brun ou un autre s’envole d’entre les herbes et s’excite sur l’eau en effectuant, rapide sur l’eau, une nage « papillon ». Puis quelques coins-coins ponctueront ces notes. Vue de mes 3 gaillards blancs-noirs dans l’étang d’à côté accessible par un tunnel. Du bord de la route, je vois le brun flotter avec les autres. Trois femelles avec un mâle ou trois adultes avec un jouvenceau ? Toujours, il les devance. Pendant que j’écrivais cette note supplémentaire un gros plouf devant moi (poisson ou ragondin ?)

 

 *

 

Monde préhistorique souterrain, parallèle, fabuleux voyage spatio-temporel. Ce bon vieux Jules !

 

*

 

Bon allez, je note cette phrase qui trotte : « Que c’est bon la campagne… avec ses champs de blés bronzant au soleil ! »

 

*

 

À l’horizon : France-Croatie !

Roue de bagnole au bord de la route.

Fallait-il l’écrire ? Peu importe. L’un et l’autre n’ont pas d’importance.

 

 

*

 

C’est la fraîcheur du moment que je veux inscrire.

Je crois à une qualité du regard perceptible dans les plus maigres mots. Je crois en l’immanence des mots, porteurs de ce regard singulier sur le monde. Je ne suis pas sûr d’avoir exprimé au mieux ce que je veux dire. Mais Bah ! j’ me comprends.

 

*

 

Roman tout traversé d’électricité.

 

*

 

Fini Voyage. « Ah ! s’écria le professeur en éclatant de rire, c’était donc un tour de l’électricité ? » Oui, tout semble s’expliquer chez Verne, telle cette boussole déboussolée indiquant le nord tandis qu’ils ressortent de leur voyage subterrestre au sud du fait d’une boule électro-magnétique rencontrée sur la mer littéralement intérieure. Bien des choses en réalité échappent. Par exemple une certaine « providence » qui leur fait, par une tempête, prendre la bonne route sur les traces du savant islandais du XVIe siècle Arne Saknussen, auteur du Traité de cristallographie transcendante (1853), du cryptogramme et du premier voyage au centre de la terre. Et encore ce monde antédiluvien ressuscité sous leurs pieds comme un rêve !

Je ne vais pas faire une étude de ce roman pouvant prendre une dimension sexuelle évidente avec la tendance de Jules à la pénétration anale : cette descente dans l’orifice central, cette remontée à la surface par la lave volcanique (c’est à dire par la cheminée du centre des trois qui se présentent aux trois héros : le professeur Lidenbrock, son neveu Axel (fiancé à sa cousine Graüben) et Hans leur guide d’un sang islandais, imperturbable – la seule qui mène au centre du globe.

Ah ! et cette fantastique imagerie de Riou au service de l’imagination julienne : un délice. Celle-ci, par exemple, représentant Axel nu dans l’eau subterrestre avec une légende : « J’allai me plonger dans ces eaux de cette Méditerranée… » Ca me rappelle ma première baignade à poil dans la Méditerranée sous le soleil de la Grèce.

Thérapeutique de l’étonnement au chap XXX. […]

 

 

 

 

 

 

Voyage ligérien à pied

(extraits)

 

 

H_ron_en_vol

Héron planant au dessus de paysage de Loire avec vue de village. Crayon papier A4 , juin 2004. unique dessin réalisé lors de mon pélerinage.

 

 

22 juin, lendemain fête de la musique:

 

 

 

Chemin de halage en bord de Maine. Talus à la flore presque montagnarde. Bouquet de fleurettes rosées.

 

 

Note pour Aujourd’hui le Jourdain  que j’ai commencé à taper et retravailler :

 

Comme les enfants qui se disent dans un jeu : « On dirait que je t’attrape et que tu te laisses prendre. – Non. On dirait que c’est moi qui t’attrape… ».

 

  Le chemin du Maine devient rocambolesque.

 

 

 Marécage, canards, hérons cendrés. Hennissement de cheval invisible tandis que je lis Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Femme en vélo. Rouge-gorge. Vue du pont. Pierre WE WILL. Marche dans crottin de cheval. Cheval n’en finit pas d’hennir. Vent. Chemin de halage. Sauvage. Maine à ma gauche, blé à ma droite. Haie de frêne de chaque côté du chemin. Cri de foulque. Saute sur une botte de foin pour lire. Bruit de train.

* autre roman de Jules Verne

 

Une coccinelle sur un brin de paille. Elle est orangée. Elle s’envole. Mange bout de brioche. Regarde le ciel. Œil blanc du soleil perce les nuages gris. Je rote. 13 canard nagent vers l’autre rive. Passé en tête du « Service militaire » à « Tonton Cristobal est revenu »*.

Au bord de route mange banane. Jette peau sur le bitume. Ce serait marrant une voiture qui glisse sur une peau de banane. Et vlan !

Je remarque que la butte de B ressemble à un mont chinois. Pin parasol au sommet du mont rocheux et boisé – Au pied c’est aussi un mont au chant des oiseaux.

Gouttes de pluie. Grosse averse. Marche dans le sable. Envol canards. En marchant je découvre du sable sec. Fait pipi. Gros bloc de pierre face à la Maine.

 

Arrivé à Rochef au crépuscule. J’ai trouvé un abri : une cabane de toboggan. Je fais pipi perché sur le parvis.*

 

Mercredi:

 

Retour soleil. Mangé contre botte. Vaches. Cri de buse pendant lecture à voix haute. Ascension butte rocheuse. Rencontre petit papillon mauve sur chemin forestier. Grand papillon blanc. Débouche sur les vignes où j’ai travaillé je crois y’a 2 ans.

Grand vent. Panorama ¾ de cercle. Je suis au centre d’un cercle. Je comprends pourquoi tout humain, tout animal, toute plante, toute pierre est au centre d’un cercle. Je comprends pourquoi la terre a été si longtemps prise pour un disque.

On se déplace de centre de cercle en centre de cercle.

 

Brin de causette avec deux pique-niqueuses dans la vigne. Ce sont des moments précieux ces brefs échanges banaux mais humains.

 

Grue dans bourgade.

 

Danse des hautes herbes plumées orchestrées par le vent.

 

Le plat pays qui est le mien*, c’est beau aussi, mais est-ce aussi beau. ? Ca ne se discute pas. Vue des deux tourelles gardes du toit triangulaire derrière le beau Vallon à droite de la sente où je suis. L’ombre avale la lumière de la plage de vignes, pied par pied. La lumière engloutit l’ombre… Trille crescendo d’un oiseau. Les deux notes finales bien marquées, précédées par deux notes de démarreur.*

Rue des grands crus. Un p’ tit verre de rouge ou de coteau , j’ dirai pas non !

Rue des Vignes  ! Route de « la Vierge au Raisin »* .

 Vu ensemble deux frênes « têtards » reliés entre eux par deux racines partant du tronc à hauteur d’1 m.

 Lecture interrompue par lézard devant la Vierge aux Raisins (1952). Vierge classique la tête penchée sur son p’ tit Jésus content de tenir à pleine main une grappe de raisins.

 Repas près des chutes de C. Regarde forme des nuages.

 

 Longeage de Loire. Superbe ! Marche le long de la berge herbue. Ouah ! Le sentier est parallèle. Quand tu marches contre le ventre ligérien ton rapport est plus intense, chaleureux et périlleux qu’à 20 m de là. Mais temps en temps, marcher sur un sentier, ça repose !

 

LoirePaysage de Loire, vers 1994

 

 

Quand je parlais de péril. Je suis tombé sur une impasse (crique). Obligé de se faufiler entre une mer d’orties déjà sillonnée. Piqué quand même. Sinon, heureuses hautes herbes à laquelles je me raccroche.

 

Des fermes des vaches des collines. La grande campagne. Un âne braie. Les épaules me déchirent, mais j’aime mieux ça que le mal dorsal.

 Flaque d'eau.

 Oh ! Un lapin ! Corbeaux. Envol virageux.

Vaste panorama. Tombe sous le charme. Je m’installe sous un cèdre à la belle étoile entre l’imposante église à côté de laquelle se tenait le croissant de lune (disparu à présent). Ciel pastel magnifique.

 

 Jeudi

 

Passé excellente nuit comparativement à hier.

- Petit lion sculpté, donne moi un peu de ta force. Il sourit.

 

Tête de tige fer rouillé. "Dame Loire". Ressemble à une « dame noire » aux cheveux ras. Ou au jeune africain qui vient de passer en vélo.

 coq métallique perché sur dôme pour faire son cocorico éternel

 Prends café au bar. Tout à coup chant de coq tandis que je paye au comptoir. Je me retourne vers le coq puis demande au barman « C’est le coq qui vient de chanter ? » – Oui. Toutes les heures.

 

Marche pied nu dans le sable de Loire. Me trempe pied dans un plan d’eau. La plage devient caillouteuse. remet mes chaussures.

Vois petit oiseau ligérien. Peut-être gravelot. Il se déplace par à coups en courant. 6 cormorans au bord de l’eau. Je m’approche au plus près. à 100 m quand ils s’envolent.

 Groupe d’une douzaine de canardeaux dans une crique. En me sentant ils battent des ailes sur l’eau pour fuir en vitesse. La mère, tranquille, nage derrière : elle les protège.

 La petite famille part à l’aventure. La pleine Loire. Cette fois, la mère est devant : elle guide. Vue buse. En montant le talus : « Oh un lièvre ! »

 

Remontée sur la route – buse traverse la route juste devant moi d’un arbre sur la berge de la Loire à un arbre de l’autre côté de la route. Des flocons végétaux traversent la route dans l’autre sens.

 

Tout le piquant de la Loire en mangeant un radis. Toute la douceur de la Loire dans une carotte.


 Passé sous le pont. Derrière, grande vue sur la Loire désertique bordé de vert rassurant. Je suis devant une piscine en aménagement face à un lieu de repos. Les bandes de peupliers latéralement plantés à retenir le sable. La Loire coule à flot.

 Dizaine de perches tendant des bandes de plastique noir claquant au vent. .

 Les caprices du fleuve… permettent finalement en rejoignant la route d’avoir un œil extérieur qui est aussi agréable de temps à autre. Vue d’extérieur ou vue d’intérieur (marcher sur le sable c’est marcher sur la Loire ou son lit sec) la Loire aussi émouvante que mouvante.

 Intérieur.

 

Entre la route et la Loire, un champ de vaches. Elles pourraient boire dans le fleuve.

 La Loire oblige à la vigilance via l’observation de la configuration du paysage. Repère eau, bancs de sable. Sûr, pas sûr, est-on déjà passé par là ? Testons, soyons prudents, ce bâton me sera bien utile. Ne pas perdre le fil.

 Lorsqu’on traverse un champ de vaches semés de chardons avec des chevilles rouges de soleil cuisant, c’est à une autre attention que les bobos font appel.

 

 Arrivage à S.

Ici mes parents se sont rencontrés. Ici ils ont vécu pendant plus d’un an.  Mon voyage accède à la corde triple par cette histoire dont je suis issu.

 

Je vais un peu lire et m’endormir en direction de ma pleinitude*…

* orthographe plus parlante de "plénitude".

 

 Vendredi:

 

Retour sur l’esplanade. Une mémé passe près de « mon » banc où sont étalées toutes mes affaires, le banc d’à côté servant de sèche-linge. La mémé qui promène son petit chien – ou est-ce le petit chien qui promène mémé maîtresse ? Il y’a un groupe d’enfants de Centre aéré derrière moi. Mémé dit avec justesse : On dirait des abeilles. Moi : oui, une ruche en folie.

 

Spectacle indien sous chapiteau. Tous les enfants sont là. Non, pas tous. Une moitié d’entre eux dessine à l’extérieur le paysage de Loire vu de la Balustrade. Je demande à une femme organisatrice (après lui avoir dit bonjour) si le spectacle est ouvert seulement aux « enfants » : « Oh non, vous pouvez entrer. » J’entre. beauté de la musique et de danses acrobatiques, le tout dans de somptueux costumes. Entrée d’un cavalier et d’une cavalière à cheval-marionnette.

 

Là les enfants sont devant moi en compagnie de leur animatrice leur posant des questions sur le paysage. Extraits de paroles. « Ah ils pensent qu’à manger. Manger, manger, manger. », « Hey ouvre les yeux. C’est intéressant aussi d’ouvrir les yeux.. »

 J’ai une sympathie pour cet enfant bouclé, boudeur, n’ayant que faire de leur « programme », une tête dure qui ne demande de faire que ce qu’il a envie de faire. Il n’a qu’une envie : se dépenser. Tout à l’heure, j’ai jeté vers le précipice mes pelures d’orange. Je l’ai vu faire la même chose après, mais avec des cailloux, ce qui bien entendu lui a valu l’interdiction formelle de la part d’une jeune animatrice, fort mignonne par ailleurs.

 

Fragment de statue. Deux mains qui portent un livre date XIIIe s ? C’est un des heureux hasards de l’art que ces deux mains appliquées sur le dos du livre. Un miracle semblable à la Vénus de Milo. Heureux ce qui en reste.

 Polychromé. Vierge paysanne, Vierge populaire d’un naturel touchant, toute d’une rêveuse douceur.

 

 Vu troupeau de vaches boire en bord de Loire

 

Musique de Zanzibar sous le chapiteau  à 21 h, agrémenté d’un thé à la menthe et de quatre pâtisseries orientales. Je ne regrette pas d’avoir élargit mon budget pour voir (sans que je ne le sache d’avance) la perle de cette soirée de musique savoureuse et déhanchante : une très vieille dame de plus de 90 ans chanter sur deux morceaux, un moment exceptionnel. Avant son entrée sur scène, je la voyais assise, tapit dans l’ombre, derrière la scène, la tête encapuchonnée comme une vieille prophétesse sortie tout droit de la Bible semblait s’avancer. Lorsqu’elle marcha à petits pas, mais sans canne, vers le micro, ce fut une émotion* aussi émouvante qu’effrayante du moins impressionnante : petite, chétive, les bras maigres ballants et cette tête bien en avant semblant se déplacer au flair, les yeux enfouis sous une coque. C’était un masque mortuaire, taillé dans du teck, saillissant* dans toutes ses parties. On aurait pu la comparer au visage momifié de Ramsès II. Mais ce masque s’animait par la musique. Une bouche s’ouvrait, parfois toute grande, une voix sortait, profonde, étonnamment jeune, parfois elle esquissait de petits gestes. Du grand art brut, ou rien n’était surfait. Chaque geste chaque mimique, chaque intonation, chaque léger sourire étaient on ne peut plus naturel, authentique. Et Dame ! Quelle voix ! Quelle hauteur… Je n’en dirais pas plus, sinon que… Silence.

 

 

 Samedi

 

Vu écureuil !

 

_cureuil

 Écureuil et sa réserve de noisettes, 2003-2004, pastel sec 32x24. De la même série que Chouette effraie ou dame blanche en chasse d'un campagnol.

Ils ont en commun le thème de la quête de nourriture. Je ne mangeais peut-être pas à ma faim ou j'avais une carence alimentaire. Il s'agirait plus profondément d'une quête spirituelle. Cependant, ils peuvent être regardés simplement comme des oeuvres naturalistes. La facture est cependant très différente de celles de 2000. pour l'écureuil on peut penser à la note de journal de route "Oh un écureuil" et aux paroles d'Assam, étudiant musulman: "La beauté, c'est comme l'écureuil qui fait ses réserves sans que cela serve puisqu'il oublie ou il a caché ses noisettes".

Le troisième de la série, je le place aussi ici:

Rouge_gorge_et_ver_de_terre

Rouge-gorge avec ver de terre en bec, 2003-2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
Histoire de plume, plume de lune
  • Stéphane Gentilhomme, 39 ans : UN POÈTE français du XX-XXIème , UN ÉCRIVAIN aux multiples quêtes (de forme et de fond) et plein d'humour. UN ARTISTE panaché qui explore l'âme et différents étages de l'être. Public Ad 90% , E, 10%)
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