Poème de survie et de vie ou le Salut

Mon coeur dans son linceul

N'est qu'un gisant au nom de pluie,

De pluie battante, de battante pluie

Sur une plaie béante: "Seul"

Seul je suis

Je suis seul

Me dire qu'on ne se reverra jamais plus

Est à rendre sourd le soleil

Est à rendre sourd l'arc-en-ciel

Après qu'il ait plu

Mes vers tissent avec des larmes

Une robe de mariée

Mes vers tissent avec de sanguines larmes

L'aura d'un enfant espéré

Et c'est la présence de l'amante devenue l'amie

La présence de l'unique, exceptionnelle,

Irremplaçable être que je pleure

Et que je voudrais tisser, sertir

Rose immortelle

Comment vivre sans elle?

Comment croire que le meilleur est devant

Quand en moi il n'y a qu'elle?

Une mandoline peut-elle guérir la corde brisée?

Sur cet amour j'ai tout misé

Puis-je ne vivre que d'une muse?

L'homme peut-il vivre seul?

J'avais trouvé la chair de ma chair, l'âme de mon âme

Elle était ma compagnie chérie

Une présence à nulle autre pareille

Tant d'années sans l'avoir connu

Et si peu pour que ma vie y soit suspendue

Quoi de plus humain que l'attachement?

Le détachement prêché me semble inhumain

Intolérable

J'ai essayé pourtant - tout à été fait pour, mon âme

Que puis-je faire de plus?

Puis-je me repaître que de moi-même?

Qu'est un homme sans sa moitié visible et présente?

Ma vie entière à ses côtés - sans la toucher

Je me serais contenté

Elle était mon pâturage, ma verte prairie

La regarder, lui parler, un présent de toute éternité

Je sais que myriades ont souffert du même mal

Je sais tant de choses que je n'en peux plus savoir

Mon présent est vidé d'elle, c'est tout ce que je sais

Et que nul mot écrit peut me la redonner

Je sais même que de mes épanchements elle n'a cure

Que seul d'être heureux sans elle elle veut

Le peut-on dans la solitude et le deuil de l'être aimé - son essentiel?

Inconsolable, j'ai appelé la Délivreuse

D'une vie devenue insipide et tristesse dévorante

Qu'elle serait consolante si Là-bas je la retrouvais!

MAIS il y a un un petit enfant dans le Ciel - l'enfant que je fus

Qui, protégé par quatre être lumineux

Après un soin reçu par le Souffle,

S'est détaché de moi pour que je lui rende visite souvent...

Pour lui, être adulte, être un père je dois

Et l'ayant en vue je dois vivre pour moi

La tête haute, parce que je suis un homme bien

Et c'est l'aimer et c'est m'aimer qu'ainsi j'agisse

Je ne peux plus rester enfant et mourir...

- Cruel Salut!

Il ne m'est plus possible de forcer la porte de la Mort

Juste vider tout mon château* de larmes

Pour qu'il s'emplisse d'une pluie de Soleil.

* variante: citerne

                                                           Stéphane Gentilhomme        14 octobre 2012