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Histoire de plume, plume de lune
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24 février 2009

Le Compulseur (5)

 

  Cela ne se produit pas si souvent, autant en profiter.
  Mais sans laisser retomber notre élan, enchaînons sur le commentaire du compulseur à propos de ce « Portrait de Nicolas Boileau » peint par Hyacinthe Rigaud dont nous préciserons qu’il a été dégoté dans – notez bien – L’Encyclopédie de la Femme et de la Famille appartenant à sa mère.

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Portrait de Nicolas Boileau  par Hyacinthe Rigaud

   « Le type même de portrait conventionnel, de fonctionnaire fonctionnaliste, sans caractère. Je n’ai même pas envie de dire de qui ou de quand c’est, ni d’en faire la description. C’est du pet pourri. Même pas. C’est pas même pas du pet . C’est pourri tout court.»
 
-  STA-A-N-E-E-F !
-  MERDE !
-  HEIN ? !…
-  J’A-VAIS OU-BLIE !
-  T’ARRIVE ?
-  DANS CINQ-DIX MINUTES ! JE PEUX PAS ABANDONNER MAINTENANT…
-  LA VAISSELLE T’ATTEND.
-  ELLE PEUT BIEN ATTENDRE ENCORE UN PEU, NON ?
-  Ah, celui là…

  Avouez que tout comme le compulseur, vous seriez déçu d’en rester là, suivons-le encore un peu.

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Fontenelle de Jean-Baptiste Greuze

  Découvrons Fontenelle sous sa plume: « Un vivant portrait de l’auteur des Entretiens sur la pluralité des mondes. Plus que de peindre un écrivain dans sa fonction (ce qui est le cas de celui d’à côté, du conventionnel portrait de Nicolas Boileau qu’on peut lui comparer), le peintre a voulu donner l’impression que celui-ci vient d’être dérangé à l’improviste ou interloqué par un sujet ou objet extérieur. On trouve un grand naturel dans sa tenue et son expression avenante qui contraste avec la production mélodramatique et morale du peintre, qui n’est autre que – tout le monde reconnaît, bien sûr – ce Jean-Baptiste Greuze que Diderot admirait tant, oui, l’auteur des célèbres compositions morales, caricaturales et mouvementées La Malédiction paternelle et Le Fils puni ou de l’innocente sensualité de la môminette de… La Cruche cassée. »

 

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La cruche cassée, Greuze

(Bruit de vaisselle qui se casse)

- OH ! C’EST PAS VRAI ! STANEF !
-  QUOI ? J’AI RIEN FAIT, CH’UI EN HAUT !
-  NON, NON, J’CROYAIS… OH LA BOURRIQUE !…
-  C’EST QUI ?
-  C’EST LA CHATTE QU’A FOURRE SES PATTES SUR LE LAVABO, ET BING!… ÇA, ÇA S’RAIT PAS ARRIVE SI T’AVAIS FAIT LA VAISSELLE PLUS TOT ! DESCENDS MAINTENANT, AVANT QU’ELLE BALZINGUE TOUT !
-  T’AS QU’A LA METTRE DEHORS !
-  AH ! T’AS VITE FAIT TROUVE LA SOLUTION…
-  BAH, PAS DE CHATTE, PAS DE CASSE !
-  ET PAS DE STANEF PAS DE VAISSELLE CASSEE NON PLUS, JE PARIE.
-  PAS SI JE SUIS TRANQUILLE, ET JE LE SERAIS QUE QUAND J’AURAI FINI…

  Ah, il sait se dépatouiller l’animal… il ne va pas lâcher le morceau comme ça et du coup nous non plus.

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  Nous voici face au « Portrait de Giles Lytton Strachey ».
  Découvrons le commentaire du compulseur : « Un joyau. J’en pète de joie ! Et pourtant, on peut pas dire que ce soit un tableau pétant de couleurs. L’ensemble est terne, terreux ; ça sent comme qui dirait : le vieux. L’homme qui écrit sur une chaise, le dos décollé du dossier, jaunement cravaté, grisement « pardessusé », vermillonnement moustaché, fessement coiffé, lunettement organé (par ailleurs généreusement pifé), me fait penser physiquement à Stéfan Zweig. Enfin, détail de poids : ce tableau date de 1904. 40 ans plus tard, on eût pris le – je l’apprends – biographe pour un juif – et peut-être l’était-il, comme… A la place de sa prémonitoire jaune cravate, il aurait eu une « star » jaune sur le paletot avant gazage ou trimage. Tu as eu du pot Giles. Tu m’entends ? Tu as eu de la veine. On aurait pu te zigouiller. »

-  BAH DIS DONC ÇA GAZE PAS VITE A LA VAISSELLE !
-  C’EST PAS EN M’APPELANT TOUTES LES CIN’ MINUTES QUE ÇA VA GAZER !

   Oui, il y a gazage et gazage. Le compulseur ne va pas disjoncter pour ça, nous non plus.
   Sauf…, cette fois vous avez sous vos yeux une photo.

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   Antonin Artaud écrivant. Le compulseur écrit : « Le torturé Mômo après sa terrible claustration en asile qui a duré presque dix ans. Moins d’un an plus tard, c’est un vieillard qui fait 70 ans, alors qu’il n’en a que 50, « enfant-fou » édenté, électro-choqué… On peut comparer la tension d’Antonin Artaud avec l’attention et l’application d’un enfant écrivant… enfin qui arrête d’écrire et qui nous regarde. »

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Enfant écrivant (Ou « Paloma »), Pablo Picasso, collection particulière

 

Et pour retrouver l’esprit d’enfance, rejoignons le compulseur face à cet Enfant écrivant de Renoir (1888 ?)

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Enfant écrivant, Renoir

  « Voici un enfant bien emmitonné dans son manteau qui écrit à une table, la tête reposée sur son bras vacant, dans un abandon tel qu’on le croirait endormi. Des deux menottes, on ne voit en tout que cinq doigts : l’une est posée à la verticale sur sa feuille, l’autre a le bout des doigts au plus près de la mine de son crayon dont le sommet se trouve perché à hauteur du « troisième œil », comme si c’était lui qui commandait le mouvement, l’écriture que l’on pourrait, pour ainsi dire, qualifier d’automatique si ce terme n‘était pas trop connoté et que l’on remplacera donc par « écriture somnambulique ». Remarquons encore que le coude du bras d’écriture est « mangé » par la feuille comme le sommet de son crâne, du moins l’épaisse chevelure couvrant celui-ci. C’est signé « renoir » d’une écriture qui pourrait être celle de l’enfant.
 
  A ce moment précis, après avoir vu tant de mains droites écrivant, miroir de lui-même, le compulseur se demanda quand même : « existe-t-il au moins un gaucher écrivain dans la peinture ? »

  Qui aurait cru qu’à défaut de trouver ce sujet improbable, son regard tomberait sur le portrait peint par Courbet, d’un écrivain fort connu, Baudelaire lui-même, lisant à la lumière de sa plume ? Y avait-t-il plus de probabilité que le compulseur trouve ce sujet-ci ?

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Baudelaire lisant, Courbet

   SSSSSSS…

« Stoppe étude… »

- ÇA Y’EST, J’ARRIVE !
-  AAAH… C’EST PAS TROP TOT, MON FILS !

  Puisque le compulseur descend faire la vaisselle – sans zèle, pensez donc ! – faisons-lui faire cette descente dans un ralenti conforme à sa motivation, et profitons de ce temps subséquemment imparti pour répondre à quelques questions ou réflexions qui ne manquent pas de se poser à ton esprit de Lec-lec. Et voici ce qui peut être considéré comme une sorte de dialogue :
- Pourquoi cette propension du compulseur au pet à l’intérieur d’une étude esthétique si  digne d’intérêt  ?
Cela te choque-t-il ?
- Non.
Cela t’importune-t-il ?
Pas vraiment.
Alors pourquoi cela te questionne-t-il ?
- Parce que ça me surprend.
Et pourquoi cela te surprend-t-il ?
- Par manque d’habitude je suppose.
Et n’est-ce pas aussi par préjugé ?
- Peut-être aussi. Oui, sans doute. Une étude, d’ordre esthétique surtout, où entre à tout bout de champ un vent scatologique, ça a de quoi enrhumer.
Et asphyxier, non ?
- Pas tant que ça. Je dirais même que ça aérerait l’étude.
Et cette étude de treize pages n’a-t-elle pas été autrement aérée ?
- Si. Par le compulseur lui-même.
Et les appels répétés de sa mère n’ont-ils pas aéré le cerveau du compulseur en le reliant au monde extérieur ?
- Je crois que oui.
Et le pet n’est-il pas aussi un bon catalyseur et un bon médium ?
- Certainement.
Et notre dialogue ne l’est-il pas tout autant ?
- Y’a des chances que oui.
Et ce dialogue, peut-on l’accuser d’imitation, de plagiat ?
- Je ne vois pas pourquoi…
  N’est-ce pas le nôtre ?
- Ça ne fait pas de doute.
Ce livre, n’est-il pas chaotique ?
- Si… un peu… mais…
N’y a-t-il pas moyen d’y remédier ?
- Chaotique ni plus ni moins que le monde…
Alors y’a-t-il moyen d’y remédier ?
- Je crois que non, sauf  de le supprimer.
Quoi ? Le monde ?
- Le chaos du monde…
Mais n’y a-t-il pas un certain ordre dans ce chaos que chaque existence doit découvrir afin de faire avec le désordre, afin de composer avec lui en tant qu’élément de ce chaos ordonné ?
- Affirmatif !
D’autres questions ?
- Négatif…
Trouves-tu donc naturel que pendant bientôt trente pages la Nature y soit absente: que pas un brin d’herbe, pas un coin de ciel bleu ou gris, pas une aile ni chant ni nid d’oiseau, pas une fleur, pas une abeille, pas une mouche, pas une vache, pas un chat, pas un champ, pas une rivière ou le moindre cours d’eau, pas un feu de camp, pas d’orage, pas de pluie, pas de vent et pas de tout ce que tu voudras?
- Pas une paire de nichons, pas une paire de couilles… Non, c’est vraiment pas naturel…
Tu trouves donc contre-nature qu’il n’ait été question durant toutes ces pages que d’un certain compulseur dans, pour ainsi dire, une seule activité humaine : la compulsion ?
De toute évidence, il compulsait…
Alors, t’as tout compris, et tu peux passer au chapitre suivant. Enfin, il est à ton avantage de finir celui-là quand même car c’est un véritable feu d’artifice littéro-pictural au niveau anal…

 

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Statuette de Balzac par Dantan Jeune

  Voici quelques trésors iconographiques de la quête du compulseur et ses commentaires :

  « Statuette de Balzac : debout, riant sur un pavé, sans doute La comédie Humaine rassemblée en un seul volume sous une police toute petite comme ceci.  Il tient de sa paluche droite une « plume » encapuchonnée qui lui arrive à la poitrine, son chapeau posé contre sa hanche et son bedon. Les yeux bridés, il fait penser à un chinois. En fait, je le vois bien larguer une grosse caisse sur son monument. »

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Portrait de jeune femme dite Sapho

  « Jeune fille pompéienne écrivant : Elle tient de sa main droite une plume ou un stylet à la verticale, dans la position d’un calligraphe chinois. La pointe vient effleurer la commissure de ses lèvres écarlates. Sa main droite porte, elle, un écritoire de quatre feuillets en bois au sommet duquel pend un ruban noir. Ses yeux noisettes comme sa chevelure bouclée jusqu’aux oreilles (ornées d’anneaux aussi dorés que le filet qui couvre sa calotte crânienne) sont suspendus entre un regard extérieur et intérieur, tournés à l’oblique, dans le sens opposé au livre. Paupières et narines sont rouges. Cette adolescente de Pompéi a été nommé Sapho. Qu’a-t-elle ou que va-t-elle écrire ? Pour qui ? Pourquoi ? Pour quand ? Pour où ? Mystère ! En tout cas, je suis persuadé qu’elle est fille d’Aphrodite… Miracle ! Voilà qu’en parcourant Le Désir de Sapho la poétesse, je lis cette lichette de poème exhumée du sol grec : « La persuasion est fille d’Aphrodite ». C’est digue ! Euh, c’est dingue ! Oh ! Elle a pété. La Sapho de la peinture pompéienne a pété pour de vrai. Peut être que le pet est fils de Sapho, et comme Sapho est fille d’Aphrodite, ce ne peut être qu’un pet d’amour. Que j’aimerais le sentir ! J’en suis sûr, le soufre du Vésuve doit lui donner une particularité unique. »

 

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Portrait de Monsieur Emilio Terry de Salvador Dali

  « Portrait de Monsieur Emilio Terry. Cette huile inachevée sans en avoir l’air se trouve écartelée entre une facture réaliste et surréaliste. On y voit un homme –d’une bonne cinquantaine, assez carré, veston rouge, chemise grise, cravate foncée, lunettes rondes, cheveux chatains-blonds plaqués en arrière. Il est en arrière-plan,assis à son vaste bureau devant une sculpture surréaliste qui se trouve au premier plan. Celle-ci est faite d’une superposition d’os d’où pendent dans la partie fuselée quelques filaments de je ne sais quoi. Celle-ci a pour base un piano-missile entouré de ce qui ressemble à deux oreilles dorées entre lesquelles se tient un manuscrit. A côté, une sorte de maquette de la Tour de Babel. Des passereaux : un en vol, deux picorant juste sous notre nez. A droite se trouve de biais la bibliothèque surmontée de sculptures blanches dont l’une est un visage caché par une main. La pièce est assez vide. Une lumière dorée passe sur la table et illumine l’homme qui se détache en point de fuite sur le fond d’un or plus clair encore. Il dessine plutôt qu’il n'écrit si l’on en croit le crayon de bois qu’il tient et la taille de la feuille blanche. Ses yeux sont fixés sur la sculpture qu’il a selon toute apparence comme modèle. C’est enfin un tableau de Salvador Dali datant de 1930 et de taille 61x50 cm. On ne trouve pas d’œuvre plus réaliste et surréaliste à la fois et qui ne soit pas la transcription « paranoïaque-critique » d’un rêve. N’oublions pas en regardant cette oeuvre que le livre de chevet du génie était L’art de péter. Donc, il y a pet sous roche. » ou sous os...

  Mais, enfin, quand la machine va-t-elle s’arrêter ?
  Il semble légitime de se poser la question, d’ailleurs le compulseur se la pose aussi et décide alors de retourner voir du côté des saints… Suivons-le en vertu de notre pacte, à défaut de sortir du sujet. Avec des saints, nous pouvons espérer  prendre l’air de plus haut !

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Saint Gérôme dans sa cellule de Albrecht Durër

  « Saint Gérôme dans sa cellule : cette gravure d’Albrecht Durër, le plus grand magicien du trait en occident date de la même année que son très connu Mélancolia. Le saint patriarche écrit à l’intérieur d’un vaste édifice religieux. On le voit de face, au fond de la gravure, silhouette rapetissée proportionnellement au lieu, grave, consciencieux. La caisse de résonance, tant intérieure qu’extérieure, est bien faite pour donner de l’ampleur au pet lâché entre deux lignes bibliques. L’idéal monastique de Saint Gérôme perd en gravité et gagne en sympathie, comme le lion couché à côté d’un agneau… »

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Visions de Saint Gérôme Carpaccio

  « 1502. Les visions de Saint Gérôme. On dirait que Carpaccio a voulu par la vue sous table, mettre en avant – contrairement à Durër qui, respectueux de son intimité, prenait une distance par rapport à son sujet – l’origine du pet, dont se serait inspiré Courbet pour son Origine du monde. »

 

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L’Origine du monde, Courbet

  « Un tantinet moins pudique... Peut-être d’ailleurs que, tel un Nostradamus, ce tableau fait partie de l’une des visions de Saint Gérôme !  Le sujet de la toile saute au yeux… la chatte de la femme.  Le modèle, qu’il provienne d’une photo pornographique ou d’une personne « con-nue » de Courbet, peut-être Joe l’Irlandaise, la maîtresse du peintre, toujours est-il que ce Mont de Vénus n’est pas roux mais noir. Des lèvres roses s’ouvrent sur un sanctuaire, une graine rose, mandorle, promesse, évocation du saint du saint qui n’est pas, messieurs, le temple accueillant votre sainte verge, mais comme le titre le souligne, le lieu d’où vous êtes sorti, vous aussi mesdames, mesdemoiselles. Courbet a agrémenté son sujet de jolies courbes. Ce que l’on voit de cette femme en partie couverte par un drap blanc nous montre un sein au mamelon rose soulevant impudiquement de sa pointe le drap, oui on dirait bien. Ensuite vient naturellement le ventre au milieu duquel se creuse le nombril indiquant comme une flèche la direction à suivre, et moins d’une longueur de main en dessous s’épanouit la tulipe noire enveloppant la rose, puis la compression des fesses entre deux jambes grandes ouvertes sur le monde… En résumé on peut dire que l’Origine du monde est une entrevue des coulisses de l’entrecuisse, et que Monsieur Courbet est fou de la foufoune. Il ne découvre que ce qui nous intéresse et ne va pas au-delà des cuisses. Les mollets, les pieds sont invisibles. N’est-ce pas beau ? Mais l’histoire derrière ce tableau qui a fait scandale et qui est resté longtemps caché, que l’on ne connaissait que par la reproduction incluse dans le livre Le Sexe de la femme du Docteur Zwang publié en 1967 jusqu’à ce qu’on le trouve dans le cabinet de consultation du chantre du ça – Jacques Lacan -voilà qui ferait sûrement lever les jambes de notre exubérante inconnue !

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Saint Matthieu

  « Pas devant ce Saint peint à Reims vers 830 quand même ! Je retiens cette illustration de l’Evangile d’Ebbon pour l’émotion qu’il dégage, tout absorbé par son écritoire, pour son gros regard dégoulinant de commotion spirituelle. Visage, drapé, paysage : ça dégouline de sueur, c’est tout en eau spiritueuse. Comme un con ému entre deux saints… »

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Saint Luc, Franz Hals

  « Pour le Saint Luc ci-dessus, c’est autre chose. Quelques huit siècles se sont écoulés en Occident. Toujours la Renaissance, près d’un siècle après Durër. La toile datant de 1625 est encore du peintre hollandais de la Bohémienne –  Franz Hals le rigolard (comme il y eut un « Bruegel le Drôle »). Très réaliste ce Saint Matthieu. Poing dans la barbe, regard pensif, la paume arrêtée sur son Evangile en rédaction. Pet en perspective ? En tout cas, au pet sacré semble se substituer le pet profane. »

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Saint Paul en prison Rembrandt

  « Saint Paul en prison. Huile claire-obscure sur bois de chêne peinte par Rembrandt en 1627. Il écrit dans l’indigence et le malheur. Son regard congestionné nous perce à vif. Le pet se meurt. Mais ne dirait-on pas qu’il suce son pouce ? »

  Retrouvons plutôt Saint Matthieu.

 

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Saint Matthieu Le Caravage

  «  Ce premier tableau représentant Saint Matthieu est la toile refusée et détruite dont on ne possède que la photo en noir et blanc.

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Saint Matthieu Le Caravage

  Ce deuxième Saint-Matthieu, est la toile acceptée et se trouvant dans l’église Saint-Louis des Français.
Leur auteur, Le Caravage, a 27 ans quand le Clergé lui donne pour mission de peindre un Saint Matthieu pour une église romaine. La toile est refusée : jugée trop réaliste. Pas seulement parce qu’il y manque l’auréole qu’il mettra sur la toile acceptée datant de 1600 environ et exécutée deux ans plus tard. Peut-être parce qu’il a choisi comme modèle du saint un pauvre homme qui a les jambes à demi découvertes et les pieds poussiéreux. Mais surtout ce refus est le salaire de trop d’intimité et de naturel dans la posture de Saint Matthieu. Il a en effet les jambes croisées, ce qui n’est guère viril… il est assis sur un siège au pied tordu ou plutôt à la courbe sensuelle. Il a le dos voûté, il est presque recroquevillé sur le gros cahier bien entamé sur lequel il a déjà noté sur une nouvelle page presque trois lignes. On dirait qu’il a fini, écrivant de droite à gauche, la page de gauche est vierge d’ailleurs (mystère). Il est vraiment excité et concentré comme un enfant. Regardez ses mains et son expression de visage ainsi que le plissement de son front au-dessus du froncement de sourcil. Oui, il y a vraiment trop d’intimité, de vérité dans ce tableau. Il y a aussi autre chose qui a dû déranger. Jusque là on a parlé de Saint Matthieu. Mais il n’est pas tout seul. L’inspiration vient toujours d’un ange, c’est chose convenue, cependant là il y a trop de proximité et donc par conséquent d’intimité entre l’homme mortel et l’ange qui a l’âge d’être son fils et qui, dans un déhanchement gracieux est penché vers son oreille, le sourcil haut, la bouche ouverte, inspiré lui même… Et regardez : l’ange qui émet un flot de paroles inspirées a sa main gauche au niveau de la gorge et sa main droite posée sur la main droite de Saint Matthieu qui écrit, guidée par elle. L’ange a une jambe pliée de manière très coquette, celle d’une femme amoureuse et son pied disparaît dans l’ombre, comme caressant l’autre pied de chaise au niveau des genoux du saint homme, comme si ce pied voulait se faire un nid entre les deux jambes. Enlevez-lui les ailes, et vous aurez un ange qu’on prendrait volontiers pour une femme dont le vêtement sensuel laisse voir l’autre jambe jusqu’à la hanche et qui en plus projette son ombre au sol, devant le pied levé de Saint Matthieu. N’y a-t-il pas de quoi scandaliser ? Eros, ou sa Bien-Aimée intérieure est là matérialisée à ses côtés, manifestement là et depuis pas mal de temps.
  L’autre toile qui a conservé ses couleurs est réussie esthétiquement, mais à bien regarder, vraiment ridicule. Pas réaliste pour un sou malgré la pose vraisemblable du saint. La courbe sensuelle du pied de chaise est remplacée par un tabouret en bois. Saint-Matthieu, ni debout ni assis, le genoux sur le tabouret, a maintenant une table pour support.  L’ange en vol surgit. Bon, c’est convenu pour un ange. Mais alors qu’il est censé lui dicter la parole de Dieu on a plutôt l’impression qu’il vient couper l’inspiration personnelle du saint juste pour lui faire signe de tailler sa plume. Deuxième anomalie : on dirait que Saint Matthieu vient d’accourir à sa table aussi brut de pomme que son tabouret. Et alors ? Regardez celui-ci. Il a un pied au-dessus du vide. On ne voit que le haut de la « falaise », assez pour signifier qu’en fait Saint Matthieu écrit dans un intérieur au bord d’un précipice… C’est casse-gueule dans tous les sens du terme. Bon, admettons. Cela est. Amen. Mais alors, bon Dieu, pourquoi n’écrit-il pas plutôt que de regarder cet ange qui ne porte pas, lui, d’ambiguïté quand à son sexe ? Oui, c’est un garçon. Son vêtement l’entoure et flotte dans l’air comme une volute de fumée…. Son extrémité passe même devant le nez du saint. Saisissez-vous maintenant tout le ridicule ? On voit que tous ces changements ne sont pas au service du sujet, ni de l’art, ni du vrai. Et pourtant le Clergé lui donna créance. Plus de quatre siècles plus tard, on ne peut guère penser que Le Caravage ait peint volontairement cette niaiserie picturale. Aussi, alors qu’il a peint un chef-d’œuvre de l’Art dans son premier, en son deuxième il a créé –belle revanche – un chef-d’œuvre d’ironie. Et le pet là dedans ? Ce serait bien la peine de battre mon record en longueur de commentaires (comment taire…) sans déboucher sur le pet. Dans le premier tableau, le pet est crédible, l’angélique femme lâche un pet entre deux lignes. Dans le second, Saint Matthieu a beau avoir le postérieur en vue : aucun pet ne sort et ne peut sortir de cette toile. En admettant sa possibilité, il ne serait que factice. D’ailleurs, comme son éclairage théâtral. Mais si, il y a pet : celui ironique de l’auteur qui perce sa toile comme il percerait sa culotte."

 

  Le compulseur avait comme nous le savons, la sérieuse, pour ne pas dire fâcheuse, habitude de passer du coq à l’âne, aussi ne s’étonne-t-on plus de ces passages du profane au sacré et du sacré au profane.
  Mais ne nous écartons pas pour autant de son chemin– c’est un privilège de se promener dans sa pinacothèque, non ? Quand bien même nous le verrions maintenant moins prolixe dans ses commentaires.
  Il lui suffit de tomber sur un portrait d’Erasme peint en 1525 par Holbein qui – voilà la chose déterminante – était en train d’écrire sa troisième ligne sur une page quelconque de son œuvre. Erasme par Holbein: il n’en fallait pas plus pour que notre compulseur se penche un peu sur  ce théologien du XVIème siècle, Prince des humanistes qui voyait en Bacchus (gravé sur sa bague bien qu’on ne le voit pas) le dieu Terminus auquel avec subtilité il attribuait la devise qu’il s’était choisie : « Je ne fais de concessions à personne »…

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Erasme par Metsys

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Erasme par Holbein

  « Il y a Erasme et Erasme. Le second portrait de l'humaniste est de Metsys et date de 1517. Du portrait de Metsys et de celui d'Holbein datant de 1523,  lequel pète le mieux ? Difficile à dire. En tout cas, aucun des deux n'a l'air asthmatique. Pas par l'humanisme en tout cas. Mais avez-vous remarqué sur le portrait de Metsys la paire de ciseaux accrochée au mur par-dessus une pile de livres. Avez-vous remarqué qu’ils étaient parallèles au long nez humant à pleines narines l’humanisme ? et que le dessous du nez était incliné pour ainsi dire selon le même angle que sa plume ? On a de quoi prendre son air songeur devant ce trio phallique: ciseaux-nez-plume. On ne s’étonnera pas qu’Erasme ait gravé Bacchus sur sa bague, Bacchus oui, dans lequel il voyait le dieu Terminus…»

  Ça change de la tartine Saint-Matthieu ! Le compulseur a sauté on dirait allégrement par-dessus le rapprochement qui l’a amené à nous faire partager ce sandwich : deux portraits d’Erasme qu’il a la finesse de nous présenter comme un duplicata de Dupont et Dupont, ceci préludant à un concours de pet entre les deux, très vite esquivé par une « anal-yse » encore une fois très en dessous la ceinture alors que le peintre n’a pas été au-delà de celle-ci. Ceinture, Peinture… à une lettre près ! Et là aussi on a un trio si l’on y ajoute Teinture qui dans la langue classique  signifie « trace » ou « apparence ».

  Justement, en parlant du chat… Sachant que le compulseur nous a habitué à aller au-delà des apparences, vous n’aurez pas de mal à croire que le tableau ci-dessous l’a intéressé au plus haut point, surtout lorsque vous aurez lu ce qu’il dit à son propos.

 

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Tommaso Inghirami Raphael

  « Voilà le cardinal Tommaso (eh oui, il est coloré comme une tomate) Inghirami (ça sonne bien comme spaghetti, dont il raffole à coup sûr) peint par le grand Raphaël, oui le même qui a peint des madones comptant parmi les plus belles de la peinture. S’il y avait un tableau qui devrait s’intituler Le Rouge et le Noir, ce serait celui là ! Stendhal a dû le connaître. A part ça, on voit bien que c’est le maître de la grosse caisse, comme Raphaël est le maître ici du gros plan. Et pourtant, il nous est étranger tout en nous étant familier tant son visage est vivant. Quant à savoir quel est l’objet de ses pensées… Peut-être voit-il, lui, la partie cachée de l’Origine du Monde…»

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Jeune fille endormie  François Boucher

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L’origine du monde Courbet

  Ça Colle !

  Et ça n’intéresse pas que lui…

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Les curieuses, Fragonard

  Ah ! il voit loin le compulseur ! Mais il est temps de revenir à une facture plus studieuse à l’instar de Verhaeren, poète belge dont Maximilien Luce nous un brossé un beau portrait.

 

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Verhaeren dans son bureau Maximilien Luce

  « Verhaeren dans son bureau : Beau morceau, encore, cette huile sur panneau de bois marqueté, signée par un peintre néo-impressionniste qui était pour moi inconnu au bataillon jusqu’à sa récente découverte chez Bibi : Maximilien Luce. Cette peinture bigarrée de couleurs vives restitue l’univers du poète belge Emile Verhaeren, un peu trouble mais tellement passionné. On le voit de face, en pleine écriture. Le poing gauche appuyé contre le front plombé témoigne de son intense boulot de ciboulot. J’en suis sûr, qu’Emile pète, et ça sentira la ciboulette ! »

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Le modèle écrit une carte postale de Carl Larsson

  « Quelle luminosité, quelle finesse dans les traits, enfin, quelle originalité dans le thème de cette aquarelle. On dirait la vierge immaculée. Non, il s’agit d’une simple modèle d’un peintre dans le plus simple appareil. En voilà une qui ne pète pas dans la soie ! Elle respire la tranquillité dans cette pause accordée, juste le temps d’écrire une carte postale pour une amie peut-être, ou son chéri, cela dans l’intimité la plus complète, nullement troublée par l’œil du peintre à moins qu’il n’ait fait ce portrait de mémoire : en tout cas on la voit si naturelle et décontractée qu’on l’imagine sans peine faire œuvre de la plus grande libéralité. Pas besoin de lever une fesse, non : un vent bien pressé contre le bois de la chaise est du meilleur effet. Surtout lorsque nulle étoffe ne fait paravent. Et le bouquet, suffirait-il à parer l’odeur, en admettant que les fleurs et le pet en aient une ? Est-ce de mauvais goût ? Tant mieux, des cinq sens, seul celui-ci, le goût, manquait au tableau ! »

   On dirait que le compulseur n’a pas eu vent de mademoiselle. N’envie-t-il pas la chaise ?
   Bon, vous avez peut-être raison : au vu de ce commentaire-ci, l’auteur ne fait pas mieux en matière de goût…
   Ah ! les goûts et les odeurs !
   Mais que voulez-vous ? Je vois ! Avec vous, il ne faut surtout pas un pet de travers!
   Quand même ! Pour la troisième fois de cette étude, la femme est à l’honneur, et on se plaint ! Allez, passons au prochain tableau commenté par notre cher «étudiant». Vous n’allez pas être déçus, c’est moi qui vous le dis !

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
Histoire de plume, plume de lune
  • Stéphane Gentilhomme, 39 ans : UN POÈTE français du XX-XXIème , UN ÉCRIVAIN aux multiples quêtes (de forme et de fond) et plein d'humour. UN ARTISTE panaché qui explore l'âme et différents étages de l'être. Public Ad 90% , E, 10%)
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