Le Compulseur (3)

L’artiste sous les traits d’un moqueur par Ducreux

  L’artiste sous les traits d’un moqueur peint par Ducreux en 1802 devant lequel on trouve comme sujet de sa raillerie Voltaire enfermé à la Bastille compose La Henriade. Voyez-donc par vous-même!

Voltaire enfermé à la Bastille compose La Henriade Anonyme

   Considérez la placidité de bœuf amusé du graveur, son lit de harem à se demander pourquoi la Bastille a été prise. Oui, il peut se marrer Ducreux, le jeune Voltaire ne va pas de sa chaise s’écrouler sur le carreau.  Vieillard, faudrait voir ! Mais pourquoi n’irait-il pas railler plutôt Rousseau qu’on nous représente, ci-dessous, non pas composant, mais herborisant – à le croire botaniste seulement !

Rousseau herborisant George-Frédéric Mayer

  Ce n’est pas un roman de peintures que cela, mais de la peinture à roman. Il y a assez de surface recouverte ou en voulez-vous encore et davantage encore ? Chercheriez-vous par hasard à avoir sous vos yeux d’autres découvertes du compulseur sur ce même sujet dont il avait quelques fois dévié ? Ou feriez-vous obstacle à son inassouvissable curiosité ?  Oui ? Vous désirez aller à la rencontre des autres curiosités découvertes par votre cher compulseur ? C’est un honneur propre à le faire jubiler, ça ! Dans ce cas, il aime offrir un bouquet de passion. Voilà, il vous le tend.

  Tenez, il s’ébroue et file chez Bibi. « J’ai hâte de voir ce qu’il va trouver. », dites-vous. Lui de même. Quand pour ce qui est de voir, hélas ! vous ne verrez pas, à une réserve près. « Quoi ? tu m’emmènes découvrir chez Bibi les découvertes du compulseur, et je ne pourrais les voir ? » A regret. Crois-tu, puisque tu me tutoies, que l’ouvrage que tu tiens entre tes pinces puisse contenir tout ce que le compulseur voit ? Ce serait une banque d’images, et tu sais ce qu’une image prend de place. Nous en sommes déjà à une dizaine. Il est judicieux au regard de la suite et de ce qui en coûtera à l’éditeur d’en ménager le nombre. Et crois-moi, sa réserve sera de choix.
  « OK… Mais que faire en attendant ? » Attendons. Tiens pour occuper notre attente, revenons sur ses pas. Justement, une image a été oubliée parmi celles qui le marquèrent à l’intérieur de ses livres littér-scolaires. Dans celui du XVIIIème siècle précisément, puisque nous y baignons. Bien. Nous y sommes. P 150.

Buste de Diderot par Jean-Baptiste Pigalle

  C’est un portrait de Jacques Diderot, l’auteur de Denis le Fataliste que tout vrai romancier adore. 
  « Une bonne âme ce Jacques. » soupira le compulseur. Et il s’étonna : « Il y a du primitif en lui, il ressemble à un autoportrait de Gauguin ».
  Par ailleurs, il aimait beaucoup le portrait chatoyant, plus jeune il est vrai, de Diderot écrivant, du pinceau de Van Loo.

Portrait de Diderot Van Loo

  Le compulseur écrit : « Sur le visage âgé peut-être de 60 ans du buste de Jean-Baptiste Pigalle on peut lire pour ainsi dire une page des Regrets de sur ma vieille robe de chambre écrit en 1772 qui coïncide avec la rédaction du Supplément au Voyage de Bougainville qui parle… des tahitiens ! Oui, il y a du Gauguin en lui… »
 
  Mais, au fait, où en est le compulseur chez Bibi ?
En plein Franz Hals.
« Alors ! ? »
  Ce n’est pas qu’il y ait dégoté grand-chose en rapport avec sa quête – on est bien d’accord – mais, ça lui plaît. « Que c’est vivant !» se dit-il. « Que c’est souriant ! » se dit-il encore. « Que c’est jovial ! », encore il se dit. « Et à part ça ? » Mais regardez plutôt.

Le joueur de Rommelpot de Franz Hals

  Et lisez son commentaire maintenant:
« Ce Joueur de Rommilpot n’est-il pas enchanteur ? Il y a un mouvement de fête et une telle joie de vivre sur les visages. Je me sens être parmi eux. Je me délecte aussi de tous ces portraits individuels, d’enfants épanouis, en particulier. De jeunes filles aussi. Quel homme n’aimerait pas avoir dans son lit La Bohémienne ?

La Bohémienne Franz Hals

  Ah ! comme je dégagerai cette poitrine transformée en fesses sous la compression de la chemise lactescente et le rehaussement de la robe cramoisie. Et comme elle me chevaucherait avec le même sourire, le même regard connivent. Comme elle venterait du con. »
  « Quelle trouvaille ! » vous dites-vous. Oui, c’en est une d’agrément. Ça lui donne des forces pour le reste. Il peut bien se faire plaisir après le contentant trésor en sa possession. « Il a donc déjà fait son emplette d’images ? » Sa cueillette : il ne l’a payée que de son énergie. Cependant, tu peux dire « emplette » . Et si on passait du coq à l’âne, maintenant ? « Il me semble être passé de l’âne au coq » Retourner à nos moutons ne devrait pas te poser d’inconvénient. Voyons de quoi se composent les petits trésors du compulseur…

- STANEF !
  Il semble qu’une voix l’appelle d’en-bas. Il semble bien que sa mère l’appelle.
-  T’oublieras pas de faire la vaisselle !
« Je croyais qu’il était chez Bibi ! » Mais…
-  STA-NEF !
« Il est sourd ! » Mais il est toujours chez Bibi, mi-mie…
-  « IL EST CHEZ BI-BI ! »
Tu  cries en vain. N’oublies pas que tu es dans un roman.
-  « IL EST DANS UN RO-MAN ! »  (Non, toi.)
-  «  JE SUIS DANS UN RO-MAN, MA-MAN ! »

   Ça, c’est une bonne excuse pour ne pas faire la vaisselle, une échappatoire digne du compulseur. Mais prends garde de ne pas prendre ton roman pour ta maman. « Ni prendre sa mère pour la mienne ? » Quoi ! ta mère est pareille ? « Peut-être bien que oui. »  Voilà donc ce qui te fait une affinité avec le compulseur… Bon, allez, hop ! Revenons à nos images.